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Beaumarchais était audacieux, mais il ne prenait pas l’audace pour un supplément de talent. Avec son habitude de tout oser, de juger du goût des autres par le sien, M. Dumas régale les maris de plaisanteries qu’il n’avait pas risquées même dans le Demi-Monde. Sous prétexte de peindre le faubourg Saint-Germain, il remplit son deuxième acte de caquetages dont le moindre défaut est de rappeler le monde galant. Le faubourg Saint-Germain n’a pas besoin d’être défendu. Le sang de ceux qui viennent de se battre si bravement pour le pays ne peut mentir ; les hommes qui ont prodigué leur vie, et souvent le dernier espoir d’un nom sur le champ de bataille, afin de sauver du moins l’honneur, ces hommes-là ont laissé chez eux pour le garder et y veiller religieusement des femmes qui valent mieux qu’il ne plaît à M. Dumas de l’inventer.

Que M. Dumas ait meilleure opinion des maris et en général des hommes ; pourvu qu’on ne leur débite pas des pauvretés édifiantes ou d’hypocrites moralités, ils goûteront la vérité courageusement proclamée. Ce qui manque aujourd’hui, c’est le courage ; celui de la dire fait plus défaut aux écrivains qu’aux auditeurs celui de l’entendre. Nous ne voulons pas être trompés, flattés, amusés au prix même de notre honneur et de notre salut. Que ne dit-on pas en ce moment à l’étranger des nouvelles pièces de M. Dumas ? En y songeant, nous trouvions que les sifflets qui se mêlaient aux applaudissemens étaient des sifflets patriotiques. Et cependant le premier acte nous avait subjugué par l’expression vraie et passionnée des sentimens. Si M. Dumas ne sait représenter qu’un seul genre de vie, qu’il renonce aux peintures de mœurs, qu’il abandonne du même coup les théories et les prétentions doctorales que nous voyons s’étaler dans ses comédies depuis quelque temps. Il aura toujours dans la passion vraie un vaste champ, nouveau pour lui, et les bonnes parties de la Princesse George prouvent déjà peut-être qu’il est capable de s’y mouvoir à l’aise.


LOUIS ETIENNE.



ESSAIS ET NOTICES.

Rome. — Description et Souvenirs, par Francis Wey. Hachette, 1872.


La plus ancienne des descriptions illustrées de la ville de Rome est un petit volume intitulé Mirabilia urbis Romæ, qui s’est multiplié dès avant l’invention de l’imprimerie jusqu’au XVIIe siècle par d’innombrables éditions. Les curieux paient aujourd’hui d’un prix énorme, quand ils se rencontrent dans les ventes, les exemplaires incunables de cet ouvrage aux gravures sur bois longtemps populaires. À l’aide des indications topographiques données par les Mirabilia, M. de Rossi a retrouvé plusieurs catacombes. En observant la série des éditions diverses, on