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par un cabinet formé sous la présidence de M. de Theux, avec le concours de M. Malou, de M. Delcour, professeur à l’université de Louvain. C’est un ministère catholique succédant à un ministère catholique ; seulement le nouveau cabinet ne traîne point à sa suite les compromettantes solidarités qui ont perdu son prédécesseur, et l’émotion publique s’est calmée. Assurément le roi Léopold s’est conduit avec prudence en sacrifiant son ministère plutôt que de subir la cruelle nécessité de tirer des coups de fusil dans les rues de Bruxelles. Ce n’est pas moins une étrange façon de pratiquer les institutions libres, qui à ce jeu-là ne tarderaient pas à perdre leur efficacité et leur prestige.

Les crises politiques qui se succèdent en Autriche ont toujours un caractère particulier qui tient à la situation la plus laborieuse, la plus compliquée, à la divergence des élémens dont se compose l’empire austro-hongrois. Un instant, elles semblent tout menacer, et elles finissent le plus souvent ou du moins elles ont l’air de finir sans rien ébranler, sans rien résoudre non plus, il est vrai. Il y a un mois à peine, les trois cabinets qui se partagent le gouvernement des affaires de l’empire étaient en pleine dissolution et en pleine reconstitution. C’était une crise universelle qui atteignait le ministère commun, le ministère cisleithan, le ministère hongrois, et la crise semblait d’autant plus grave qu’elle se liait visiblement, directement, à un de ces problèmes avec lesquels l’Autriche est obligée de vivre, la nécessité et la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité, d’arriver à réconcilier la Bohême comme on a déjà réussi à réconcilier la Hongrie. Les Tchèques se sont montrés incontestablement un peu absolus, un peu impatiens de se jeter sur la victoire qui paraissait s’offrir à eux. C’est sur cette question qu’est venu échouer le ministre Hohenwarth, qui avait tout fait pour signer la paix avec la Bohême, et M. de Beust lui-même a été entraîné dans la chute de M. Hohenwarth. Qu’allait-il sortir de cette confusion d’un moment où la politique autrichienne tout entière pouvait se trouver en jeu ? Encore une fois, tout a bien fini au moins pour le moment. Le comte Andrassy, sans avoir encore le titre de chancelier, a pris la direction des affaires de l’empire à la place de M. de Beust, M. de Lonyay, qui était chargé des finances communes, est passé à Pesth, et succède au comte Andrassy dans la présidence du conseil de Hongrie ; le ministère cisleithan s’est reconstitué à son tour sous la présidence du prince Auersperg. En même temps, quelques diètes ont été dissoutes pour tâcher de fortifier dans le prochain Reichsrath le parti de la constitution de décembre, qui était sorti fort affaibli des dernières élections faites sous l’influence du système fédéraliste de M. de Hohenwarth. La politique autrichienne n’est point radicalement changée ; elle s’est quelque peu déplacée, elle cherche son équilibre dans d’autres conditions et avec d’autres hommes. La maladie aiguë redevient l’éternelle maladie chronique, et l’empereur François-Joseph appelle un nouveau médecin, le comte Andrassy, qui,