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sonnelle, avec le minimum et les exemptions ou la taxation moindre, reste encore le principal élément du projet; cela était difficile à éviter, mais n’en est pas moins regrettable en soi. On a eu recours à la perception directe sur les titres de valeurs mobilières. Il a bien fallu reconnaître pourtant que la déclaration semble impossible à éviter pour les créances chirographaires, les rentes servies par des particuliers, le produit des offices et professions, pour les bénéfices du commerce et de l’industrie. Comment concilier cette déclaration avec le secret gardé devant le public? Le nouveau projet environne cette déclaration de précautions particulières, et ce n’est que sur la présomption grave de dissimulation qu’un jury spécial, composé de manière à donner des garanties à tous, serait appelé à statuer. Dans ce cas seulement deviendrait exigible la production d’écritures que le commerçant est, de par la loi, obligé de tenir. Enfin les contribuables pourront, s’ils le veulent, faire leur déclaration sous le sceau du secret à un commissaire spécial. Au fond, ces moyens sont loin d’être absolument nouveaux et exclusivement français; c’est pour une notable partie le système anglais, amélioré en 1842 par Robert Peel.

Comment douter d’ailleurs que la question des voies et moyens ne devienne l’objet de propositions et de débats de la part de l’assemblée nationale? Si les principes qui président à la matière sont assez simples, si les procédés généraux à employer tournent dans un cercle vite parcouru, il n’en est pas de même du détail des applications. Il y a là de quoi donner ample carrière à la fertilité ingénieuse d’esprits qui s’attachent à trouver d’heureux expédiens.

Résumons et complétons la pensée générale qui nous a guidé dans ce travail. Si l’impôt sur les revenus se fait accepter, comme cela est probable, sera-t-il temporaire ou définitif? La question se pose non sans solennité. On sait trop que les impôts ressemblent un peu à cet antre du lion, duquel le fabuliste latin a dit : Vestigia nulla retrorsum. On voit bien « comment on y entre, on ne voit pas comment on en sort. » Si le nouveau projet, qui scinde déjà trop, selon nous, certaines questions solidaires, sort lui-même mutilé des délibérations, si par exemple il se réduisait à un impôt mis sur certaines valeurs mobilières, comme les dividendes et intérêts des actionnaires des compagnies, etc., ce serait un impôt sans portée, injuste à l’égard de ces valeurs exclusivement frappées, et le mieux serait non pas de sortir au plus tôt d’une telle voie, mais de ne pas y mettre le pied. Si l’impôt reste ce qu’il est dans le projet, il faudrait qu’il fût clairement entendu et spécifié que c’est à titre temporaire, car un tel impôt n’est qu’une surcharge; il nous est difficile d’y apercevoir un progrès. Il pourrait en être différemment avec les réductions et simplifications dont nous avons parlé, et avec