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l’urgence de la réforme de l’impôt foncier, trop justifiée par des manquemens, qui ne sont nulle part plus nombreux et plus exorbitans, au principe de proportionnalité, et par les surtaxes imposées à un trop grand nombre de propriétés. On y a songé à plusieurs reprises. En 1846, le gouvernement avait préparé un projet de loi qui fut approuvé par la grande majorité des conseils-généraux, et qui portait que le cadastre serait refait dans les communes cadastrées depuis plus de trente ans. Le projet fut abandonné, puis repris après la révolution de février. L’article 2 de la loi du 7 août 1850 annonçait que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour procéder, dans un bref délai, à une nouvelle évaluation des revenus territoriaux. La loi du 4 janvier 1851 ouvrait un crédit destiné à payer les dépenses nécessaires pour ces évaluations. Le travail nouveau prenant pour bases les résultats du cadastre, les baux, les cotes de vente, et d’autres documens de différentes natures, a été exécuté, et, comme il n’arrive que trop souvent, enfoui dans les cartons. Des résultats si importans à connaître n’ont été communiqués ni aux conseils-généraux ni aux hommes spéciaux, législateurs ou publicistes. Que sont devenus ces papiers d’une Importance majeure? Ont-ils été consumés par l’incendie qui a dévoré le ministère des finances? Alors que l’on refasse ce travail. Que craindrait-on? Aurait-on peur de nous faire toucher du doigt des inégalités plus énormes encore que celles que nous connaissons? Une telle prudence serait puérile, inefficace, peu d’accord avec ce besoin de publicité et d’améliorations qui doit, assure-t-on, signaler l’ère où nous entrons.

Des objections s’élèvent de la part de personnes très autorisées contre l’idée même de ces remaniemens qui seuls donneraient à un impôt sur le revenu foncier une base suffisamment exacte. Alléguant que l’impôt foncier est déduit par l’acquéreur du prix de vente, et soutenant en conséquence que l’impôt cesse entièrement de peser sur la propriété, quelques-uns vont même jusqu’à faire un dogme de l’immutabilité de l’impôt foncier. Cette opinion, répandue et puissante, doit être combattue, non dans l’idée juste en elle-même de cette espèce d’allégement qui se produit habituellement par le fait des mutations, mais dans les conséquences extrêmes qu’on prétend en tirer. N’oublions pas d’ailleurs que cet allégement même suppose la modération de l’impôt; autrement il mettrait aux ventes un obstacle proportionné à la surcharge, et tendrait à immobiliser le sol entre les mêmes mains. D’autres raisons décisives s’opposent à ce qu’on accepte à la lettre la doctrine de l’impôt immuable. Si forts que soient les motifs de ne toucher que rarement et d’une main prudente à cet ordre de taxes, il est certain qu’ils ont des