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essai date de la révolution, si ce mot d’essai ne dit même beaucoup trop. La contribution patriotique, levée en 1789 une fois pour toutes, ne présente pas ce caractère; en 1791, ce ne fut qu’une taxe fort imparfaitement établie, qui cherchait à atteindre, en prenant pour signe les dépenses locatives, le revenu mobilier, à l’exclusion du foncier. Le revenu foncier devait être, par la même loi, frappé sous une autre forme et dans la proportion du sixième, tandis qu’on ne voulait demander que le dix-huitième à la propriété mobilière, moins peut-être encore à cause de son infériorité à cette époque que sous l’empire de théories économiques beaucoup trop exclusives. On ne voulait d’ailleurs à aucun prix de recherches faites par l’état. On obéissait à un sentiment de respect pour la liberté, louable en lui-même et qui n’a que trop souvent manqué à l’état en France, mais qui alors aurait plutôt péché par exagération, car il ôtait à l’autorité une partie de ses droits. L’impôt établissait plusieurs classes, dix-huit au juste, parmi lesquelles figuraient les célibataires avec une surtaxe. On n’a jamais pu voir dans l’application qu’on en a faite les apparences un peu sérieuses d’une vraie taxe sur le revenu. L’impôt connu aujourd’hui sous le nom d’impôt mobilier, qui vient de là, ne répond en effet en rien à l’idée de ce genre d’impôts.

C’est au lendemain de la révolution de 1848 que reparaît l’idée d’un véritable impôt sur le revenu, au milieu d’une défaveur assez marquée et assez générale, j’ajouterai d’une défiance que légitimait le récent avènement du parti radical. Il faut bien l’avouer : dans la crainte qu’inspirait un tel impôt, crainte que redoublait l’effroi de le voir devenir progressif, il entrait aussi une ignorance à peu près complète de l’organisation de cet impôt chez les autres peuples. Il ne faut assurément aimer le socialisme nulle part, mais il faut se garder d’en voir partout. C’est un penchant auquel on cède un peu trop dans le parti conservateur. Mettre un impôt sur les voitures de maîtres parut du socialisme à beaucoup de personnes, comme si on n’en mettait pas sur une foule d’autres consommations ou jouissances. Malheureusement le parti conservateur n’était pas seul responsable de cette disposition, le socialisme s’étant installé en effet au cœur même de presque toutes les idées de réforme pour les gâter. Le projet de M. Goudchaux, ministre des finances, ne concernait, comme celui qui nous est présenté, que le revenu mobilier. La commission, composée d’esprits éclairés, mais préoccupés par le mauvais effet et les conséquences de l’impôt des 45 centimes, devait tendre encore plus que le ministre à exclure l’élément foncier. Cédant d’ailleurs à l’opinion, peu favorable ta ce mode de taxe, elle donnait au nouvel impôt une base encore plus étroite que le projet. Ce n’est pas qu’elle ne l’ait modifié heureusement sur