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quotité. Loin de disparaître, cet impôt s’aggrava d’un second vingtième, et même d’un troisième. Ce dernier, établi de 1783 à 1785, nous conduit jusqu’à la révolution française. En ce moment, selon Necker, il rapportait une somme de 25 millions, somme qui pour le temps ne laisse pas d’être assez considérable. Dans ces exemples, où l’on trouve la preuve d’une assez longue durée malgré les interruptions, on ne voit rien qui implique une incompatibilité spéciale de notre race avec cette sorte d’impôts; les raisons qui devaient la rendre particulièrement désagréable aux privilégiés sautent aux yeux, — il est certain d’ailleurs qu’en aucun pays elle n’a d’abord été accueillie volontiers. Comment ne point rappeler aussi que cet impôt, loin d’être traité par l’assemblée constituante avec plus de sévérité que les autres, reçut d’elle une sorte d’hommage au moins relatif? Elle déclarait dans une adresse que « c’était encore de tous les impôts le moins odieux, parce qu’il frappait sur tous les citoyens. » Bien plus, on trouve des vœux très remarquables dans les cahiers en faveur de l’établissement d’un revenu mobilier; ces vœux émanaient à la fois de certaines parties du clergé, de la noblesse et du tiers-état. Le clergé de Laon, de Metz et de quelques autre villes demandait avec la noblesse de Limoges, du Périgord, que les possesseurs de rentes perpétuelles et viagères fussent soumis à l’impôt sur le même pied que les propriétaires fonciers. Sur beaucoup de points, le tiers-état émettait des vœux pareils dans un langage singulièrement net et accentué.

Ce n’est jamais de gaîté de cœur que les nations s’attachent aux flancs de pareilles taxes, quand elles viennent par surcroît et ne dispensent d’aucune autre. La Grande-Bretagne elle-même, quoiqu’elle trouvât dans son histoire quelques impôts analogues et dans son génie plus de cette patience qui les supporte et de cette réflexion qui aide à s’en rendre compte, ne s’est soumise à l’income-tax de M. Pitt que par patriotisme. Elle l’a vu disparaître avec satisfaction, reparaître sous le ministère de Robert Peel non sans inquiétude, et il a fallu des améliorations successives jointes à l’action du temps pour qu’elle s’y habituât. C’est ce qu’elle a fait au reste, assure-t-on, et cet impôt, peu à peu perfectionné et rendu supportable, paraît devoir s’implanter comme un rameau vivace destiné à s’accroître de la substance d’autres taxes jugées plus imparfaites. Le même genre d’impôt, appliqué temporairement chez presque tous les peuples dans les grands besoins financiers, a trouvé tout de suite un sol plus propice en Allemagne. Les résistances partielles, nées des difficultés d’une assiette satisfaisante, s’effacent dans ce pays devant le fait général d’une acceptation volontaire et d’une préférence souvent marquée. Quant à la France, le dernier