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gères, qui n’ont point coutume d’exclure ainsi de l’impôt sur le revenu une des deux grandes sources de la richesse nationale. Mêmes diversités d’appréciation sur la question de savoir si on imposera tous les élémens de la fortune mobilière, et dans quelle mesure et selon quel mode ils seront taxés. Imposera-t-on le travail? Imposera-t-on les obligations, les actions, même les rentes? Le champ qui s’ouvre aux dissentimens est vaste, on le voit. Si la question se présente avec un caractère d’urgence suprême, elle n’offre pas moins de complications; c’est en étudiant avec attention les élémens si divers qui la composent que nous pourrons la résoudre.

Tout d’abord l’impôt sur le revenu paraît à peu près inévitable, à moins qu’on ne recoure à des taxes que nous regarderions comme beaucoup plus fâcheuses, telles que serait par exemple la taxe sur les matières premières. Nous pensons que l’impôt sur le revenu, malgré des inconvéniens, pourrait légitimer la faveur avec laquelle le jugent ses partisans; mais ce serait à la condition de n’être pas tout simplement une surtaxe ajoutée à d’autres, aboutissant à faire payer l’impôt à des objets qui l’ont déjà acquitté une fois sous d’autres formes. En un mot, nous voudrions un système mieux lié et plus complet que le plan qui nous est proposé par le rapport de la commission du budget. En faveur de cette idée de simplification, qui peut être réalisée sans entraîner de profonds changemens, nous alléguerions encore l’expérience de grandes nations, lesquelles ont fait de crises semblables à la nôtre le point de départ d’aggravations nouvelles d’impôts et aussi d’améliorations véritables dans leur système fiscal. Quant au revenu foncier, en reconnaissant la valeur des motifs qui ont décidé la commission à ne point le comprendre dans le nouvel impôt en ce moment, il y a lieu de se demander si les raisons les plus fortes ne commandent pas de ne point ériger cette exclusion en principe, dans le cas où l’impôt sur le revenu devrait s’installer chez nous avec une certaine durée. La même question devra se poser à l’égard de l’exemption de la catégorie des salariés dans un système régulier d’impôt sur le revenu. C’est à donner à chacun de ces points les développemens et les preuves qu’il comporte que cette étude est consacrée.


I.

L’impôt sur le revenu, qui reparaît aujourd’hui avec le nom d’impôt sur les revenus, qu’on a jugé sans doute plus exact sous la forme restreinte qu’il revêt, et peut-être moins effrayant que l’autre désignation, a fait son apparition chez nous à l’état de pur projet après 1848. Cependant on sait qu’il a des antécédens historiques, en