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IV.

Outre « l’absentéisme » et le manque de préparation pédagogique des instituteurs, les hommes compétens avaient signalé un autre grand vice du système scolaire des États-Unis. C’était le trop grand éparpillement des ressources consacrées à l’enseignement et le défaut d’unité dans la direction; mais la routine a peu d’empire là-bas : quand un mal est reconnu, on ne tarde pas à y porter remède. Rappelons quelle est en Amérique l’organisation de l’instruction publique.

Les corps organisés, nous disent les physiologistes, sont composés d’une multitude de cellules animées d’une vie propre, mais reliées ensemble par la force vitale de l’organisme supérieur dont elles font partie. En Amérique, les communes (townships) sont les cellules dont se composent ces organismes politiques qu’on nomme les états. De même que l’Union est formée d’une fédération d’états, chaque état est formé d’une fédération de communes. La commune est indépendante, elle a sa vie propre; aucun agent administratif du pouvoir central n’y exerce d’autorité. Cependant la commune et ses habitans doivent obéissance aux lois générales votées par l’assemblée suprême; mais ce n’est pas l’administration, c’est la justice qui impose cette obéissance. Le lien organique qui relie les communes de façon à constituer un état, c’est au fond la communauté d’idées, c’est dans l’exécution l’autorité judiciaire. Ce régime est exactement celui de la Germanie antique et de la féodalité. « Le caractère propre de la féodalité, dit M. Guizot, c’est le démembrement du peuple et du pouvoir en une multitude de petits peuples et de petits souverains. » Le principe de l’indépendance de la commune germanique a passé d’Angleterre en Amérique, où l’unité de l’état a été produite et maintenue par le pouvoir judiciaire, non par le despotisme du pouvoir royal, comme dans l’empire romain, en France ou en Espagne. C’est le township que les premières lois scolaires des États-Unis au XVIIe siècle ont chargé d’organiser l’école. Les habitans du township, réunis chaque année en assemblée générale, votaient l’impôt pour l’enseignement et nommaient le comité scolaire; mais dans le Massachusetts, des lois de 1789, 1817 et 1827 ont autorisé le township à se fractionner en districts, formant chacun une personne civile administrée par le prudential committee, qui bâtit ou entretient l’école et nomme le maître. Le but de ces lois était de mettre les écoles à la portée de tous en les multipliant. Le résultat a été qu’on a eu des écoles trop petites, des tiraillemens continuels dans l’administration, un défaut complet