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l’influence bienfaisante qu’exerce sur nos écoles la femme qui enseigne. Élever les enfans, leur inspirer de nobles sentimens, est vraiment sa vocation. L’esprit moins occupé d’intérêts matériels, elle apprend facilement aux autres à considérer surtout l’intérêt moral ; douce, elle communique aux enfans sa douceur; pure, sa pureté. Elle connaît mieux la nature mystérieuse des jeunes âmes, ou du moins un instinct sûr les lui fait deviner. Sa discipline d’affection est plus efficace que nos sévérités et nos punitions. Les admonitions que la sympathie dicte ont plus d’effet que nos raisonnemens logiques et nos menaces. Le jeune homme élevé par une femme aura un sentiment moral plus délicat, un langage plus réservé, un goût plus fin, une nature plus tendre et en même temps moins portée aux vices grossiers et aux habitudes vulgaires. L’avenir de notre société est entre les mains de nos institutrices. »

Les Américains se vantent d’être un peuple qui respecte la loi, a law-abiding people. Ils l’ont été en effet jusqu’à ce jour, et de là vient le succès de leurs institutions démocratiques. Un peuple où la minorité s’insurge contre les lois n’est pas mûr pour la république. Les Allemands apprennent l’obéissance et la discipline dans l’armée, les Américains dans l’école. Rien n’a plus frappé M. Fraser en Amérique que de voir 1,200 ou 1,400 « primairiens » faire des exercices callisthéniques, à la voix de leur institutrice principale, avec une précision qu’eût enviée un bataillon prussien; on dirait que la même volonté met en mouvement au même instant les mêmes muscles. « Rien n’est plus éloigné de cette discipline américaine que la pétulance désordonnée de nos écoliers, » dit l’observateur anglais, et il se demande si le résultat obtenu vaut les efforts qu’il exige. Je pense que oui. C’est précisément dans une société démocratique, où les citoyens sont appelés à se gouverner eux-mêmes, qu’il faut les plier à un ordre sévère. Sous un despote, la force impose le respect des lois; mais, quand il n’y a plus de maître, il faut que chacun comprenne qu’après avoir voté comme souverain, il faut aussi obéir comme sujet. Je crois qu’il serait temps d’introduire en Angleterre le drill américain.

Pour obvier au manque de préparation pédagogique chez les instituteurs, la plupart des états ont ouvert récemment de nouvelles écoles normales. Grâce à l’insistance du surintendant, New-York, qui en avait deux, en a fondé quatre nouvelles, et se prépare à en ajouter encore dix à ce nombre. Pour s’aider à créer ces établissemens, les états ont recours à un moyen ingénieux : ils annoncent que les écoles seront établies dans les localités qui accorderont le subside le plus élevé. En 1865, New-York obtint ainsi pour ses quatre écoles près de 5 millions de francs, et on sortait