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mule des doctrinaires de l’Hôtel de Ville. Il convient donc de s’y arrêter avant de passer aux autres questions qui, ainsi qu’on a pu le voir, n’ont point le mérite de la nouveauté. La commune autonome a fait le tour de la presse démocratique et radicale dans les départemens, et il est juste de reconnaître qu’elle y a eu quelque succès. A l’étranger, on n’a vu dans ce prospectus qu’une affirmation de l’indépendance municipale, et, comme on est habitué à nous entendre dire que nos communes sont en esclavage, sous le joug d’une centralisation effrénée, les Allemands, les Anglais, les Belges, les Italiens, qui ont un grand respect pour les libertés locales, ont accepté assez facilement comme un plan de réforme sérieuse et utile, sauf amendement, le programme qui se présentait sous l’invocation de la commune.

Les objections cependant n’ont pas manqué. Des esprits très libéraux ont remarqué au premier examen le vice radical d’une combinaison qui, pour constituer l’autonomie de la commune, brise le lien national et supprime la grande patrie; mais, aux yeux des démocrates qui ont adopté aveuglément la formule à cause de son origine, les critiques du simple libéralisme auraient peu de portée. Il vaut mieux opposer à la commune autonome l’arrêt de condamnation prononcé par un révolutionnaire incontestable, M. Mazzini, qui, voyant le péril où s’engageait la démocratie, a hautement blâmé et presque flétri le nouveau système[1]. Il est superflu de dire que, dans la lutte établie entre Paris et Versailles, M. Mazzini donne complètement raison à la commune et complètement tort à l’assemblée. Cependant il est trop expérimenté en ces matières pour n’avoir point compris dès le début que la cause de l’Hôtel de Ville n’avait aucune chance de succès, et, comme il écrit surtout pour la démocratie italienne, il prémunit ses compatriotes contre les espérances qu’ils pourraient fonder sur l’exemple et l’appui des révolutionnaires français. — La France, dit-il, a fait au dernier siècle la révolution du passé, elle n’est plus bonne pour faire la révolution de l’avenir. La France est une nation vieillie et devenue impotente; elle est incapable d’achever le triomphe du principe d’association, du socialisme. Ce devoir et cette gloire appartiennent à un peuple jeune, vigoureux, vaillant, à l’Italie! Il convient donc que les révolutionnaires italiens ne se découragent pas devant la chute infaillible de la commune. Cette insurrection inopportune, presque criminelle en face des Allemands qui la contemplaient des forts de Paris, était, suivant M. Mazzini, tout imprégnée de matérialisme,

  1. The Commune in Paris, article publié à Londres par M. J. Mazzini. (Contemporary Review, juin 1871.)