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doctrines, que l’on discutait et dont une partie était approuvée. Si en Allemagne, en Angleterre, en Italie, des intelligences éclairées ont pu se laisser prendre à ces nuages d’idées, à ces semblans de principes, doit-on s’étonner que des foules y aient été trompées? Voyons donc quelles sont ces doctrines qui ont fait tant de mal; jugeons la commune, non point dans ses actes, mais dans ses prétentions politiques, législatives et sociales. La commune a longuement siégé et beaucoup écrit ; elle a proclamé et déclamé à profusion ; c’est d’elle-même que nous tenons les documens irrécusables d’après lesquels ses partisans essaient de former un corps de doctrine. Cette étude peut être utile pour nous guider sur des laves encore brûlantes, à peine sorties d’un volcan mal éteint.


I.

En réalité, l’insurrection du 18 mars a été un mouvement révolutionnaire et socialiste, absolument analogue à celui qui en 1848 a produit les journées de juin, et prenant pour prétextes les tendances monarchiques de l’assemblée nationale, la prétendue décapitalisation de Paris au profit de Versailles, où l’assemblée avait établi son siège, enfin la nomination du général de la garde nationale par le gouvernement. Aux yeux d’une partie de la population, ces prétextes avaient un certain caractère de vraisemblance; ils suffirent pour enrôler dans les rangs de l’insurrection un grand nombre de citoyens qui, désirant maintenir purement et simplement la république et se croyant humiliés par l’éloignement de l’assemblée, n’avaient aucun goût pour les utopies socialistes. Le signal et les premiers actes de l’insurrection sortirent d’un comité central de la garde nationale où s’étaient installés la plupart des chefs d’émeute. Dans le manifeste que publia ce comité le 19 mars, il n’est point fait mention de franchises municipales; cette revendication eût d’ailleurs été fort inopportune, car à ce moment même le gouvernement et l’assemblée nationale étaient d’accord pour organiser sur les bases de l’élection les conseils municipaux de Paris et de Lyon. Ainsi ce ne fut pas tout d’abord l’idée de commune qui arma les foules parisiennes, et ce ne fut point pour conquérir à Paris l’exercice des droits municipaux, consentis dès le premier jour, que tant de révolutionnaires étrangers, polonais, garibaldiens et autres, vinrent grossir les rangs de l’insurrection. Non, il s’agissait uniquement alors de réaliser l’avènement du prolétariat. Les premières publications du comité central, qui fut le véritable auteur du 18 mars, indiquent clairement la pensée qui l’animait.