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simuler, si on ne lui avait attribué que des pensées d’incendie et de pillage; enfin la commune, après les crimes qu’elle a commis, ne serait même plus mentionnée ni discutée dans certains pays étrangers, si l’on ne croyait y apercevoir, par une illusion d’optique que le lointain favorise, certaines idées, certains principes dignes de discussion.

Le 2 mai, au sein du parlement de l’Allemagne, M. de Bismarck, exposant ses projets pour l’organisation des provinces de l’Alsace-Lorraine, s’exprimait ainsi : « Il y a toujours dans les insurrections françaises un grain de raison ; ce grain se retrouve dans le mouvement actuel de Paris, dans l’aspiration à l’organisation municipale prussienne... » Voilà comment, aux yeux de M. de Bismarck, la commune était sinon justifiée, du moins expliquée au nom d’un principe. Une partie de l’Allemagne a partagé cette erreur. De même en Angleterre. La presse anglaise a vu dans l’explosion de la commune la revendication des droits municipaux si chers à la race anglo-saxonne, et cette opinion était celle de beaucoup de personnes éclairées. Nous trouvant à Londres au commencement de juin, nous eûmes la curiosité d’entrer dans une taverne de Fleet-street, où se tient tous les jours une espèce de club. Le programme de la discussion affiché d’avance portait : la commune en France et la république en Angleterre. Il y avait là une vingtaine de personnes d’apparence aisée et d’humeur fort tranquille, assises, fumant, buvant un verre de bière ou une tasse de café, et attendant l’ouverture de la séance. A neuf heures, le président en habit noir prit place au fauteuil et donna la parole à un jeune homme de fort bonne tenue qui fut un long mémoire sur la question proposée. L’orateur, après avoir flétri l’assassinat des otages et les incendies, fit grandement l’éloge des principes de la commune, qui voulait, dit-il, doter la France de la liberté municipale, supprimer les jeux de hasard et autres habitudes déshonnêtes, en un mot régénérer la France. Quant à l’établissement de la république en Angleterre, il l’appelait de tous ses vœux; mais il craignait que ce ne fût long à venir, le peuple étant très ignorant et l’aristocratie très puissante. Cette lecture fut écoutée avec attention, sans interruptions et sans impatience. Lorsqu’elle fut terminée, l’un des assistans prit la parole et dit à son jeune ami qu’il ne s’opposait nullement à l’approbation de la commune en tant qu’il s’agissait de franchises municipales, mais qu’il ne se souciait pas de voir changer les institutions anglaises. La grande majorité parut être de cet avis. On pérora pendant une heure fort tranquillement du reste sur ce thème, anglo-français, et les consommateurs se séparèrent.

Ainsi à l’étranger la commune de Paris passait pour avoir des