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des malades en quête d’un changement, s’efforçaient d’échapper? La correspondance de Pline nous le montre lui-même et ses amis sans cesse occupés, comme avocats ou plus tard comme sénateurs, des doléances provinciales. L’époque antonine en tout cas a été courte : un Domitien la précède, un Commode brusquement l’interrompt; puis viennent une terrible anarchie et les maux de l’invasion. Qu’un remarquable ensemble d’institutions administratives, concourant, pendant certains intervalles, avec l’inappréciable bienfait de la paix intérieure, ait fixé les populations de l’empire et leur ait permis de durer ensuite à travers des agitations profondes, qu’un Auguste et un Trajan aient beaucoup contribué par leur bon vouloir et par leur génie à ce progrès civil, nul désormais ne voudrait absolument le nier. Nous devons et nous voulons prendre garde à ne pas nous laisser entraîner par le souvenir d’accusations qu’on pourrait soupçonner d’être des thèses déclamatoires, de nature à nous faire méconnaître certains résultats de la science impartiale. Ne confondons pas d’ailleurs les temps anciens et les temps modernes, si différens par tant de côtés : rien ne ressemblait moins à la république libérale invoquée de nos jours que la république aristocratique de l’ancienne Rome. Un certain nombre des empereurs romains ont été d’épouvantables monstres, — on n’effacera pas cela du moins de l’histoire; — mais il peut être vrai que, marne sous leurs règnes, la cessation des guerres civiles ait permis aux populations des provinces de respirer : de nouveaux cadres administratifs ont pu favoriser leur développement. Faut-il toutefois compter pour rien dans cette œuvre de réorganisation soit les germer déposés par la république, soit le progrès des temps? L’absence d’institutions politiques capables d’associer les sujets au gouvernement n’a-t-elle pas empêché pendant la période impériale une vraie et profonde rénovation de l’édifice romain contre les barbares? « A l’inverse de la république, dit M. Duruy dans le troisième volume de son Histoire des Romains, l’empire manqua de tout lien dans l’ordre moral comme dans l’ordre politique. Il n’eut ni les institutions générales, qui auraient rapproché et uni les citoyens, ni le patriotisme qui, en donnant une seule âme à tant de millions d’hommes, les eut rendus invincibles. » M. Littré a défini l’empire « une dictature avec une administration et des lois, mais sans institutions. » Tacite a distingué ces vices intérieurs. Au nom de la conscience du genre humain, comme il l’a dit lui-même, il a dénoncé le despotisme des mauvais empereurs, non pas seulement au nom de la conscience morale, soulevée par certains spectacles qu’offrait son temps, mais aussi au nom de cette conscience du politique, de l’homme d’état, du citoyen, qui n’a pas pris le change sur l’efficacité des seules réformes administratives. Du reste, quand