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couches sont très développées en Angleterre, où il les a étudiées, en Bretagne, en Bohème, où elles ont été illustrées par M. Barrande, et aux États-Unis, où M. de Verneuil en a constaté l’identité avec celles de l’Angleterre, de la Bohême, de la Bretagne, de la Russie, des bords du Rhin et des autres provinces du royaume silurien. Toutes les classes inférieures du règne animal, depuis les zoophytes jusqu’aux mollusques supérieurs et aux crustacés, y sont représentées. Ainsi, pour ne citer que des animaux généralement connus, on y trouve des polypiers, des étoiles de mer, des coquilles univalves et bivalves, des nautiles (lituites), ces derniers voisins des argonautes, des poulpes, des seiches et des calmars. Les crustacés appelés trilobites, assez semblables aux cloportes actuels, sont les animaux les plus parfaits de cette première création, qui correspond à une période de temps véritablement effrayante. En effet, l’épaisseur de ces couches primordiales et d’autres considérations nous prouvent que, pendant des intervalles de temps où il faut compter par milliers de siècles, notre globe roulait dans l’espace sans qu’aucun être organisé animât à sa surface. Des couches innombrables se déposaient au fond des mers désertes. Enfin les conditions de la vie se trouvant réunies, les premiers monères apparurent sans laisser de traces, puis vinrent successivement les autres protistes, et enfin les premiers polypiers. C’est à la fin de l’époque silurienne seulement que les mers furent peuplées, non comme elles le sont actuellement, ni pour le nombre, ni surtout pour la physionomie des espèces. Presque tous ces types primitifs ne reparaissent pas dans les terrains postérieurs, et quelques-uns seulement tels que certains mollusques, trochus, turbo, cardium, mytilus, les térébratules, les étoiles de mer, ont encore des représentans dans la nature vivante. L’amphioxus, ce poisson sans tête et sans vertèbres dont nous avons parlé, date probablement de cette époque reculée, car il se trouve placé précisément entre les invertébrés, déjà représentés à l’époque silurienne dans leurs types principaux, et les vertébrés, qui n’existent pas encore.

Tous les animaux de cette période sont des animaux marins; on n’a pas encore trouvé les traces d’une seule espèce terrestre. Doit-on en conclure que nulle portion de la surface du globe n’était alors émergée? Cette affirmation serait téméraire, car nous connaissons des roches plus anciennes que le silurien inférieur qui n’ont pas été recouvertes par ce dépôt, et devaient par conséquent s’élever au-dessus de la surface des eaux. Les organismes primitifs étant essentiellement marins, il est plus naturel de penser que cette première évolution organique devait s’accomplir nécessairement dans la mer. En effet, les plantes de cette époque étaient également des