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particulièrement du concile ; il lui avait en outre défendu de sortir de son diocèse : c’était un exil, mais ce ne fut pas assez pour ses ennemis. Dioscore fit rendre par le concile une sentence d’excommunication qui ordonnait de brûler ses livres et de le chasser lui-même comme une bête fauve des lieux habités par les hommes : il fut défendu, sous peine d’être excommunié soi-même, de lui parler, de lui prêter un abri, de lui donner du pain, et celui qui avait dépensé noblement sa fortune à rebâtir la ville de Cyr, à nourrir et loger les pauvres se vit condamné à mourir de faim dans les bois. L’Orient, qui vénérait ce saint homme, en fut indigné, et l’odieuse sentence ne reçut point d’exécution. La seconde victime de Dioscore fut le patriarche d’Antioche Domnus ; mais celui-là, nul ne le plaignit. Il avait pourtant commencé à se repentir en rétractant après la séance la signature qu’il avait donnée par faiblesse. Déposé de son siège, comme nestorien, pour avoir trouvé des obscurités dans les anathématismes, il se retira au monastère d’où il était sorti pour être évêque, et, quand plus tard les circonstances eurent changé, il ne réclama point le siège dont il sentait bien qu’il n’était plus digne. Quatre autres évêques tombèrent sous les rancunes de l’Égyptien, qui, ne voyant plus autour de lui que des complices ou des complaisans, congédia le concile.

D’Éphèse, il partit pour Constantinople accompagné de plusieurs de ses suffragans d’Egypte, afin d’ordonner avec leur concours le successeur de Flavien ; il avait jeté les yeux sur un certain Anatolius, diacre d’Alexandrie et son apocrisiaire dans la ville impériale : c’était le couronnement de sa victoire, un patriarche égyptien à Constantinople. La conduite des légats du pape au concile l’irritait outre mesure contre eux et contre leur évêque, dont il ne lui était pas difficile de deviner la lettre ; il ne supportait pas non plus l’idée de cet appel de Flavien à Rome et en Occident, qui pouvait tout remettre en question et de juge le réduire lui-même au rôle d’accusé ; il regrettait de n’avoir pu tenir sous sa main le libellé de cet appel pour l’anéantir, et les légats qui le portaient pour les châtier. Dominé par ses rancunes, il fit halte sur sa route, à Nicée, y forma un petit synode des Égyptiens qui l’accompagnaient, prononça anathème au pape pour ses doctrines hérétiques manifestées par ses envoyés, et l’excommunia. À Constantinople, il se consola de sa déconvenue en souillant par une ordination sacrilège le trône de celui qu’il avait assassiné, et dont le corps gisant dans le bourg d’Hypèpe était à peine refroidi.

Te ! fut ce second concile d’Éphèse qui donna au monde chrétien le plus horrible des spectacles qu’il lui eût jamais été donné de voir. La conscience publique indignée lui infligea le nom de brigandage