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gner, ce qu’il fit. L’église resta si étroitement close jusqu’au soir que des évêques tombés en faiblesse par suite des émotions de cette scène ne purent aller respirer l’air du dehors.

La nuit arriva sur ces entrefaites, et on apporta des torches qui jetèrent sur ce lugubre spectacle une lueur encore plus sinistre. Flavien, après avoir quitté son banc pendant la lecture de la sentence, se tenait debout dans un coin de la nef, attendant le moment de sortir de la basilique. Dioscore l’aperçut et courut vers lui l’insulte à la bouche. Que se passa-t-il entre eux ? On n’en sait rien ; mais Dioscore le frappa du poing au visage en lui disant qu’il le chassait de l’assemblée. Animés par l’exemple du chef, ses deux diacres, Harpocration et Pierre Mongus (le même qui fut depuis patriarche d’Alexandrie), saisirent Flavien par le milieu du corps et le renversèrent. Dans cette position, Dioscore le foula aux pieds, lui frappant du talon les côtes et la poitrine ; les moines de Barsumas, accourus au bruit, assaillirent à coups de bâton le malheureux archevêque étendu sur le pavé, et le piétinèrent sous leurs sandales. L’enquête raconte que Barsumas était là, les animant par sa présence, et leur criant en syriaque : « Tue, tue ! » Les évêques, épouvantés, se sauvaient de toutes parts et se firent enfin ouvrir les portes. Flavien, traîné hors de l’église par des soldats, fut jeté expirant sur la paille d’un cachot, d’où on le tira le lendemain pour le conduire en exil. On devait l’emmener au fond de la Phrygie, mais il mourut en route trois jours après sa condamnation dans une bourgade appelée Hypèpe. Eusèbe, d’abord emprisonné, puis destiné à l’exil, s’évada, et après bien des fatigues et des périls traversa la mer pour se mettre sous la protection du pape. Jules et Hilaire s’y trouvaient déjà. Ce dernier ressentit toute sa vie une secrète terreur au souvenir de cet affreux concile, et, lorsqu’à son tour il fut devenu évêque de Rome, il construisit près du baptistère de Saint-Jean de Latran une chapelle dédiée à l’évangéliste « son libérateur ; » il en avait fait le vœu probablement lorsqu’il cherchait à se sauver d’Ephèse. La voûte peinte à fresque représentait la mort de Flavien, qu’on voyait gisant au milieu du concile sous les pieds de Dioscore et de ses satellites. Cette peinture subsista jusqu’au temps de Sixte-Quint, où la chapelle fut détruite.

Les évêques ne songeaient qu’à rentrer chez eux ; Dioscore le leur défendit. « La session, disait-il, n’était pas terminée, et d’autres affaires les réclamaient ; » ils eurent peur et restèrent. Il méditait en effet des exécutions pour lesquelles la complicité de cette lâche assemblée lui était nécessaire ou du moins utile. La première et la plus désirée était celle de Théodoret, ce vénérable savant, ce courageux adversaire des anathématismes. L’empereur l’avait exclu