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la même soudaineté qu’on avait mise à la frapper par la main de Saturninus, elle fut avertie que l’empereur la rappelait. L’ascendant de Pulchérie, rentrée en faveur après son départ, avait suscité une nouvelle attaque des eunuques, dont le chef était alors ce Chrysaphius, qui fut plus funeste à la maison de Théodose que Genséric ou Attila. C’était un ancien esclave, barbare d’origine, dont le vrai nom était Tzuma. Aucun de ceux qui avaient dominé jusque-là le fils d’Arcadius ne porta au même degré l’astuce, l’avarice, la cruauté, le génie de l’intrigue et de la basse flatterie ; mais ces vices furent précisément ce qui lui donna prise sur le faible empereur. Il le séduisit surtout, dit-on, par son air noble et sa démarche majestueuse : aussi Théodose en fit-il le commandant de ses gardes et son grand-spathaire ; on nommait ainsi l’officier qui portait devant le prince l’épée de l’empire. La surveillance de Pulchérie déplut à cet important personnage, qui se mit en tête de l’écarter sans retour cette fois. Il recommença près du frère les suggestions perfides, qui réussissaient toujours, irritant cet esprit ombrageux par des calomnies sur l’ambition de sa sœur, tandis qu’il lui donnait le regret de sa femme, et s’efforçait de le réconcilier avec elle. Chrysaphius se disait qu’une fois rentrée au palais, Eudocie l’aiderait à en chasser pour jamais son ancienne rivale, et qu’à eux deux ils seraient maîtres absolus de l’empereur. L’idée de se venger de sa belle-sœur, à qui elle attribuait une part dans les colères qui avaient eu pour résultat sa disgrâce et le meurtre de son ami, plut apparemment à l’impératrice tout autant qu’une réconciliation avec son époux. Elle revint à Constantinople, et les deux Augusta se trouvèrent encore une fois en présence dans les machinations de Chrysaphius. La lutte domestique se réveilla donc avec une ardeur plus grande de la part d’Eudocie, lorsqu’en 448 une nouvelle tourmente religieuse vint détourner les esprits des mesquines intrigues du gynécée pour les rejeter dans les agitations de doctrines qui avaient précédé la mort de Nestorius.


II.

Dix-sept ans s’étaient écoulés depuis le concile d’Éphèse, et les principaux acteurs de ce grand drame avaient disparu de la scène du monde. Jean d’Antioche était mort, et Cyrille l’avait suivi de près ; le comte Irénée, devenu évêque de Tyr, expiait dans l’exil son ancien attachement à Nestorius, son maître. Théodoret seul restait debout, réservé par la Providence à des luttes plus grandes encore ; pour le moment, il était relégué dans son diocèse avec défense d’en sortir. Son crime était d’avoir dit en apprenant la mort de Cyrille : « L’Orient et l’Egypte sont désormais unis ; l’envie est dé-