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portans, depuis les anciens écrits de l’évêque Continho, du marquis de Queluz, de César Burlamaque, jusqu’aux livres plus récens de Tavares Bastos, de Perdigao Malheiro, ont éclairé tous les esprits sur l’illégitimité de la servitude. Les journaux les plus répandus, notamment le Jornal de Commercio, le Correio mercantile, l’Anglo-Brazilian Times, ont favorisé avec persévérance le mouvement abolitioniste. Des sociétés ont été fondées pour hâter l’émancipation, de grands exemples ont été donnés par des propriétaires généreux. L’empereur, ses filles, leur gouvernante, Mme la comtesse de Barral, qui vient de se montrer si généreuse encore envers les victimes de la guerre en France, les ministres Abrantes, Zacharias, Galvao, Pereira da Silva, Vasconcellos, Lobato, sont à la tête de cette grande réforme depuis plusieurs années, et c’est à bon droit que le ministre actuel des affaires étrangères, M. Correia, en transmettant la loi du 28 septembre à tous les agens diplomatiques, a pu écrire : « L’institution de l’esclavage est maintenant condamnée par toutes les consciences, et il n’y a divergence que sur les moyens de l’abolir. » Que les avocats de la liberté ne cessent pas de réclamer, d’insister, et la réforme commencée sera promptement accomplie avant le terme fixé par la loi. Ce n’est pas le gouvernement qui y mettra obstacle.

Il ne reste plus que l’Espagne, parmi les nations civilisées, qui conserve des esclaves à Cuba et à Porto-Rico malgré les promesses de la loi, et, spectacle bien singulier, malgré les sollicitations des colonies. Les habitans de Cuba, de l’île toujours fidèle, mettent en ce moment une sorte de scrupule à ne pas répéter leurs vœux, de peur d’entraver par une complication inopportune la difficile pacification de la colonie ; mais il n’y a pas un mois que les nouveaux députés de Porto-Rico, enfin admis aux cortès, ont déposé un projet et ont adressé au roi, dans une audience solennelle, par l’organe de M. Acosta, la demande de l’abolition immédiate de l’infâme institution qui tient encore en servitude dans leur île, 32, 000 noirs au milieu de 650,000 habitans, voués sans difficulté au travail libre. L’Espagne, la première à renouveler l’esclavage dans l’histoire moderne, sera la dernière à effacer cette souillure, mais ce sera certainement, bon gré mal gré, à bref délai. Qui sait ? l’abolition de l’esclavage dans le monde chrétien, réclamée il y a cinquante ans par quelques hommes de cœur obstinés que l’on était bien près de trouver ridicules, sera peut-être à la fin du XIXe siècle le seul triomphe complet, la seule gloire sans ombre et sans reproche, de notre génération agitée.


AUGUSTIN COCHIN, de l’Institut.

THÉÂTRE DE L’ODÉON. — La Baronne, drame en quatre actes.


Nous n’en avons pas fini avec les courtisanes au théâtre ; il était cependant permis de croire que celui-ci tiendrait à honneur de se rajeunir,