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nonce des discours à Saint-Quentin ; il n’a réussi qu’à provoquer, à propos de ses théories sur l’instruction du peuple, une lettre vigoureuse, éloquente, de M. l’évéque d’Orléans, qui montre ce qu’il y a d’équivoque dans ce langage d’un homme qui sent le besoin d’être modéré et qui n’ose pas l’être, ce qu’il y a de vide dans toutes ces sonorités d’une parole tribunitienne. Et c’est pour cela qu’on demande une dissolution ! Le pays le sent bien, et c’est parce qu’il le sent qu’il est si peu pressé de répondre aux excitations des agitateurs de toute nuance, qu’il entoure d’une confiante estime ce pouvoir qui depuis huit mois l’a tiré d’un abîme, lui a donné la paix, qui représente à ses yeux l’expérience, le patriotisme et le dévoûment.

Tout est là ; depuis huit mois, ce qui existe représente pour le pays non un régime définitif si l’on veut, mais un régime qui répond à une nécessité de patriotisme, qui est en somme l’expression de la souveraineté nationale toujours en action, manifestée par l’alliance intime, indissoluble, d’une assemblée librement élue et d’un gouvernement qui est l’émanation de cette assemblée. Rien n’est venu altérer ces conditions, telles qu’elles apparaissent au moment où se rouvre la session parlementaire. L’assemblée revient avec les impressions qu’elle a recueillies dans le pays, et bien certainement avec l’intention de ne point reculer devant les problèmes qui s’imposent à elle. Le gouvernement de son côté n’est point resté inactif. Il a eu la bonne fortune d’atténuer l’occupation étrangère, d’en diminuer l’étendue. Il n’a point hésité, quand il l’a fallu, à maintenir toutes les garanties d’ordre public, même au risque de braver cette impopularité qui s’attache assez souvent aux sévérités qui frappent la presse. Un nouveau ministre de l’intérieur, M. Casimir Perier, a porté dans le gouvernement un esprit résolu et ferme en même temps que libéral, très préoccupé, comme il l’a montré récemment, d’introduire dans son administration la simplicité et l’économie. Le gouvernement, en un mot, a fait son devoir de gouvernement autant que les circonstances le permettaient, de telle sorte qu’après ces trois mois, la situation créée à Bordeaux, affermie et régularisée à Versailles, se retrouve telle qu’elle était, avec ses faiblesses et ses difficultés sans doute, mais aussi et surtout avec sa force essentielle qui est dans l’alliance de M, Thiers et de l’assemblée. Cette situation, y a-t-il quelque raison de la changer ? On le voudrait qu’on ne le pourrait peut-être pas, et en l’essayant on s’exposerait au danger de raviver ce sentiment même d’instabilité qu’on chercherait à rassurer. Ce qu’il y aurait de plus désirable, ce serait qu’à côté du pouvoir exécutif il se formât enfin dans l’assemblée ce que nous appellerions une force de gouvernement, une majorité moins mobile, moins flottante, mieux reliée par des habitudes d’action commune. Les élémens de cette majorité existent dans l’assemblée, ils sont dans cette masse sensée, hon-