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avoir en ce moment beaucoup de ce genre, — et d’autre part, si ce moyen ne suffit pas, l’élévation du taux de l’escompte. Sans doute cette dernière mesure n’est pas très populaire en France, elle soulève toujours beaucoup d’opposition; cependant c’est la seule qui soit adoptée dans les momens difficiles par les grands centres commerciaux, qui connaissent mieux que nous les véritables lois de l’économie financière. Il est arrivé plus d’une fois à la Banque d’Angleterre de porter son escompte à 8 et 10 pour 100; dernièrement encore elle l’a élevé très rapidement de 3 à 5, et les embarras qu’elle commençait à éprouver ont bien vite disparu. « Mais, dira-t-on, les mêmes nécessités subsisteront malgré l’élévation du taux de l’escompte : il faudra toujours payer les Prussiens, régler nos acquisitions de céréales, pourvoir aux besoins du commerce à l’intérieur; cette élévation ne fera que renchérir les capitaux qui sont indispensables. » C’est ainsi qu’on raisonne à toutes les époques de crise. On ne réfléchit pas que, s’il y a crise, c’est qu’on a plus de besoins que de ressources. Est-il étonnant, par exemple, que nous soyons gênés aujourd’hui après la guerre désastreuse qui a eu lieu, les dépenses de toute nature qu’elle a entraînées, et la suspension presque complète pendant dix mois des relations commerciales? Il est bien évident que nous ne pouvons pas avoir les mêmes capitaux disponibles qu’avant la guerre, et, comme les besoins n’ont pas diminué, qu’ils se sont au contraire beaucoup accrus, nos embarras s’expliquent naturellement. C’est en vain qu’on chercherait à se faire illusion sur la situation par l’empressement qu’on a mis à souscrire aux derniers emprunts, par la rapidité avec laquelle s’opèrent les versemens, même avant l’échéance. Les capitaux qui ont souscrit à ces emprunts n’étaient pas le fruit de l’épargne, ni des capitaux réellement disponibles; ils avaient été détournés momentanément d’autres emplois, soustraits au commerce et à l’industrie; aussitôt qu’il y a eu reprise dans les affaires et qu’une certaine activité s’est manifestée dans le pays, ils ont manqué, et on s’est aperçu bien vite que les ressources de la France n’étaient pas inépuisables. Faut-il agir comme si elles l’étaient, et par un renversement des lois économiques ne pas payer plus cher ce qui est plus rare? C’est le rêve de ceux qui ne reculent pas devant l’augmentation du papier-monnaie, et qui voudraient notamment qu’on portât l’émission de la Banque à 3 milliards; mais ce ne peut être le désir des hommes sérieux qui craignent avant tout la dépréciation des billets au porteur.

Supposez que, par suite de l’accroissement de l’émission, le papier fiduciaire perde tout à coup 10 pour 100 ou seulement 5, — et cette supposition n’a rien que de très vraisemblable, — que de