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banque; elle doit avoir celui qui est jugé indispensable pour servir de garantie, rien de plus. Ce n’est pas avec son fonds social qu’elle fait ses opérations; sa mission est tout autre. Elle doit recueillir les ressources disponibles et les faire fructifier, soit par des escomptes au commerce, soit autrement, mais toujours de façon qu’elle puisse les réaliser très promptement. C’est là sa grande utilité; son propre capital est destiné seulement à parer aux inexactitudes dans les rentrées et à couvrir les fautes qui pourraient être commises dans l’administration. Il n’a pas besoin d’être engagé; il vaut mieux qu’il ne le soit pas, car il reste alors complètement en réserve comme garantie supplémentaire. Cette théorie est si profondément vraie, qu’elle est mise en pratique partout dans les pays commerçans. En Angleterre, la plupart des établissemens de crédit ont un capital insignifiant à côté de leurs opérations. Celui de The London and Westminster bank, la plus considérable de celles qui existent au-delà du détroit, et qui fait plus d’affaires à elle seule que la Banque d’Angleterre, est de 50 millions de francs (il n’était naguère que de 25) contre 550 à 600 millions de dépôts et d’acceptations. The Union bank en a un de 37 millions 1/2 contre près de 400 millions d’engagemens; celui de la Banque nationale en Belgique est de 25 millions contre 515 millions de responsabilités diverses. Dans tous ces exemples, le capital représente à peine le dixième des engagemens; c’est la proportion qu’on trouve encore chez notre principal établissement financier. Le capital de la Banque de France, avec toutes les réserves et les immeubles, peut être évalué à 280 ou 300 millions; les billets au porteur joints aux dépôts montent à 2 milliards 800 millions, et il s’agit ici d’une situation tout exceptionnelle, qui est destinée à se modifier bientôt par la diminution du passif. Il est vrai que la Banque d’Angleterre a un capital supérieur à celui de la Banque de France, mais il est entre les mains de l’état, et, s’il a été augmenté successivement, ce n’est point parce qu’on le jugeait insuffisant pour les opérations qu’il devait garantir, c’est parce que le gouvernement avait besoin d’argent, et qu’il trouvait commode de prendre d’abord celui de la Banque à des conditions meilleures que celles qu’il aurait obtenues en empruntant au public. En France, un de nos grands établissemens, le Crédit foncier, possède 90 millions de capital, dont 45 seulement de versés, et il a pour 1 milliard 300 millions d’obligations en circulation. De deux choses l’une : ou les opérations que font tous ces établissemens sont très solides, parfaitement régulières, alors le capital social n’est qu’une garantie accessoire, il n’est pas nécessaire qu’il soit considérable, — ou les opérations sont mal combinées, extrêmement aléatoires, alors il n’y a pas de capital qui puisse les garantir absolument. Supposez un moment que les obligations émises