trouverait conjurée sans qu’on eût recours à des mesures rigoureuses, comme l’élévation du taux de l’escompte. Ce moyen est un peu spécieux et surprend beaucoup d’esprits. Il est regrettable en effet que la Banque de France ait été amenée à faire des avances considérables à l’état, et qu’elle se soit ainsi écartée du but de son institution, qui est de servir avant tout les intérêts du commerce; mais pouvait-elle faire autrement? En Italie, en Autriche, il y avait aussi des établissemens financiers chargés d’émettre des billets au porteur et qui avaient une destination purement commerciale; cela ne les a point empêchés, au moment des guerres que ces pays ont eu à soutenir, de faire des avances à l’état et de voir leur crédit confondu avec celui du gouvernement. De même encore aux États-Unis. Dans ce pays, où pourtant les attributions du pouvoir sont très restreintes et la liberté des institutions privées fort respectée, les banques particulières n’ont pu conserver leur indépendance; il a fallu que leur crédit fût mêlé à celui de l’état, et ce sont les besoins de l’état qui, pendant la guerre de sécession, ont primé tous les autres. La Banque de France s’est trouvée dans la même nécessité; c’est en vain qu’elle aurait refusé le cours forcé et cherché à défendre son encaisse métallique, on la lui aurait prise malgré tout. Si le gouvernement n’avait pas eu à sa disposition les billets de cet établissement, il en aurait émis lui-même, comme on l’a fait aux États-Unis, en Autriche, en Italie, comme beaucoup de gens le conseillaient, et alors, avec la dictature de M. Gambetta et le peu de scrupule qu’on mettait à toutes choses, nous serions retombés sous le régime des assignats. Dieu sait ce qu’il en serait résulté! Il n’y a donc pas à reprocher à la Banque de France d’avoir, dans les circonstances que nous avons traversées, fait des avances considérables à l’état; elle ne pouvait pas s’en dispenser. En agissant comme elle l’a fait, elle a contribué à sauver le crédit de notre pays; cela vaut bien quelques écarts de principe, et peut excuser les rigueurs qu’elle est obligée en conséquence d’imposer au commerce. Ce qui a été fait était commandé par la situation; il s’agit maintenant de savoir si on peut le défaire précipitamment et rendre à la Banque son indépendance en lui remboursant une grosse partie de ce qu’on lui doit.
Deux points sont à considérer : 1er l’état peut-il opérer ce remboursement sans trop de dommage? 2° quelle serait l’efficacité de la mesure dans le cas où elle serait facilement exécutable? Sur le premier point, il n’est pas douteux que l’état s’imposerait un grand sacrifice en remboursant aujourd’hui à la Banque 600 ou 700 millions; il devrait les emprunter au public, et on ne lui prêterait pas à moins de 5 1/2 pour 100, soit pour 600 millions de capital 33 millions d’arrérages annuels. Pour la même somme, il paie aujourd’hui à la