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Les enfans des deux sexes occupés dans les fabriques sont rétribués au début, à raison de 2 fr. 50 par semaine pour dix heures de travail journalier; cette rémunération s’élève progressivement avec l’âge et l’habileté du sujet jusqu’à 7 fr. 50 par semaine. Les artisans sont naturellement mieux payés : les charpentiers, les maçons, les peintres, les forgerons, obtiennent 1 fr. 75, 2 fr. ou 2 fr. 50; par exception, les sujets d’élite arrivent jusqu’à 3 francs ou plus. Le travail est habituellement de douze heures et demie effectives, soit de cinq heures du matin à sept heures du soir avec un repos d’une demi-heure pour le déjeuner et d’une heure pour le dîner. Dans quelques métiers, le travail dure même parfois quatorze et jusqu’à seize heures par jour, mais ce sont là de rares exceptions.

L’on peut conclure de ces faits que la destinée de l’ouvrier de Silésie, quoique fort améliorée depuis dix ans, reste encore très pénible et très rigoureuse. Celle de l’ouvrier saxon est-elle plus douce et plus facile? On sait quel riche pays, soit au point de vue industriel, soit au point de vue agricole, est le petit royaume de Saxe; mais la population y abonde plus que nulle part ailleurs, sauf en Belgique. Là aussi les salaires se sont accrus, ils paraissent notablement plus élevés qu’en Silésie. Le travailleurs des champs gagne en Saxe de 1 fr. 25 à 1 fr. 70, les manœuvres dans les villes et dans les usines ont au minimum 1 fr. 50 ou 1 fr. 75 ; les artisans obtiennent en moyenne 2 fr. 50, quelquefois 3 francs; les ouvriers d’élite seuls ont un salaire supérieur, soit 3 fr. 50, 3 fr. 75, très rarement davantage. Les femmes sont relativement peu rétribuées : elles ne gagnent pour la plupart que 1 franc ou 1 fr. 50, quelques-unes jusqu’à 2 francs par jour. Ces salaires sont infiniment plus élevés qu’il y a dix ou quinze ans, ils seraient très suffisans, si les familles n’étaient pas plus nombreuses qu’en France; mais avec cinq ou six enfans, souvent même plus, il n’est pas de rémunération qui ne devienne trop courte.

C’est une opinion généralement admise que la vie est moins chère, soit en Allemagne, soit en Russie, qu’en France ou bien en Angleterre. Il y a de l’exagération et un malentendu dans cette formule. Il est certain qu’une famille française ou qu’une famille anglaise transportée en Russie ou en Allemagne peut y conserver le même rang dans la société avec des dépenses moins grandes; mais cela ne veut pas dire qu’elle peut vivre aussi bien et à meilleur compte en Allemagne qu’en Angleterre ou en France. Ce qui est vrai, c’est que les mœurs de l’autre côté du Rhin sont plus simples et plus frugales, que beaucoup de choses qui passent ici pour des besoins sont regardées là-bas comme des superfluités, — c’est que certaines denrées, comme la viande, y sont moins chères; mais d’autres objets nécessaires à notre existence y sont d’un prix élevé. Un