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Constantin on appelait les Mémoires des martyrs, memoriœ Martyrum. Ces cérémonies annuelles, festins ou sacrifices, dont on chargeait des collèges pour être sûr qu’elles s’accompliraient toujours, qu’est-ce autre chose que ce que l’église appelle un service perpétuel? Seulement ce service, au lieu d’être célébré à l’anniversaire de la naissance, fut transporté par les chrétiens à l’anniversaire de la mort : la vie véritable ne datait pour eux que du jour où l’on entrait dans l’éternité.

Par suite de ces libéralités les repas de corps se multiplièrent dans les collèges et ils en devinrent bientôt la principale occupation. L’un d’entre eux a la franchise de s’appeler lui-même la société des gens qui dînent ensemble; presque tous auraient mérité ce nom. En devenant si fréquentes ces réunions donnèrent aux associés l’habitude de vivre en commun et resserrèrent les liens qui les unissaient. Ces liens avaient été de tout temps assez étroits. Les sodalités dans l’origine étaient formées de membres d’une même famille; quand plus tard on les choisit dans des familles différentes, ils contractaient par leur association une sorte de parenté spirituelle qui imposait aux confrères certains devoirs, celui par exemple de ne pas s’accuser en justice. Avec le temps, les collèges avaient beaucoup changé, les anciennes coutumes s’y étaient presque entièrement perdues; cependant ceux qui en faisaient partie, qui s’asseyaient sans cesse à la même table, qui devaient souvent reposer dans le même tombeau, persistèrent toujours à ne pas se regarder entre eux comme des étrangers. Certains collèges avaient pris l’habitude de célébrer chez eux toutes les solennités qu’on fêtait dans la famille. On s’y donnait des étrennes au premier de l’an; on se rassemblait aux fêtes des morts; on dînait ensemble le 8 des calendes de mars, jour où d’après l’usage tous les parens devaient se réunir autour d’une table commune, « afin que, si quelque querelle s’était élevée entre eux dans l’année, la joie du festin qui porte à la concorde et à l’oubli les amenât à se réconcilier. » C’était, comme on l’appelait d’un nom touchant, « le jour de la chère parenté. » Aussi arrivait-il plus d’une fois que lorsqu’on n’avait pas d’héritier on laissait sa fortune à ses collègues. En Bétique où l’on avait coutume d’inscrire sur la tombe de quelqu’un dont on voulait faire l’éloge : il fut pieux envers les siens, plus in suos, on disait aussi qu’il l’avait été envers ses associés, pius in collegio; ces deux devoirs semblaient donc être mis sur la même ligne. Ce qui achevait de faire ressembler ces associations à la famille, c’était la façon dont on désignait souvent les associés et les dignitaires. Le protecteur et la protectrice prenaient le nom de père et de mère du collège, les associés s’appelaient quelquefois entre eux des frères; c’est ainsi que dans une inscription romaine quelqu’un nous fait savoir qu’il donne