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années plus tard Varron se plaint que les dîners des collèges font hausser le prix des vivres au marché. « Aujourd’hui, dit-il, la vie à Rome n’est presque plus qu’une bombance de tous les jours. » Il ne veut parler évidemment que des corporations riches; toutes ne pouvaient pas se permettre ces excès. Les malheureux adorateurs de Diane et d’Antinoüs étaient bien forcés d’être sobres, et les lois somptuaires n’étaient pas faites pour eux ; ils n’en étaient pas moins, eux aussi, fort amis des repas de corps. Comme le collège ne faisait que de naître et qu’il n’avait pas eu le temps d’être l’objet des libéralités de ses protecteurs, les associés ne s’y réunissaient que six fois par an pour diner ensemble, c’était bien peu; mais ils voulaient au moins jouir sans souci d’un plaisir si rare : sous aucun prétexte ils n’entendaient être dérangés. Des mesures étaient prises pour que la joie générale n’y fût attristée par aucune préoccupation sérieuse. « Celui qui aura quelque plainte à faire ou quelque proposition à présenter, dit le règlement, devra les réserver pour l’assemblée du collège, et nous laisser, pendant nos jours de fête, dîner libres et contens. » On ne voulait pas non plus qu’il s’élevât quelque discussion qui pût troubler le repos des convives; aussi voit-on dans le règlement que la police du festin était sévèrement exercée. « Si quelqu’un, pour faire du tumulte, se lève de sa place et en occupe une autre, il paiera une amende de 4 sesterces (80 centimes); si quelqu’un dit des sottises à un collègue ou fait du bruit, il paiera 12 sesterces (2 francs 40 centimes); si c’est le président de la société qui ait été injurié, l’amende sera de 20 sesterces (4 francs). » Il ne suffisait pas que le festin fût tranquille, le règlement avait tout prévu, tout disposé d’avance, pour que rien n’y manquât; comme on voulait être sûr qu’aucun préparatif ne serait négligé, on avait institué une magistrature spéciale. Indépendamment des dignitaires annuels, on nommait un président du repas (magister cœnœ), choisi tout exprès et renouvelé chaque fois. C’était un fardeau que chaque collègue devait subir à son tour; s’il essayait de s’y soustraire, on le condamnait à payer 30 sesterces (6 francs) à la caisse de l’association. Le président du festin était chargé d’en faire les apprêts : il dressait les tables, et plaçait devant chaque convive une bouteille de bon vin, un pain de 2 as et quatre sardines. Le règlement ne dit pas si ces dépenses étaient acquittées par lui ou par la caisse du collège, il ne dit pas davantage si ce pain et ces quatre sardines composaient tout le repas; mais il n’est pas possible de le croire. Le festin eût été vraiment trop sobre, et si pauvres qu’on suppose les adorateurs de Diane et d’Antinoüs, ils ne pouvaient pas se contenter de quatre sardines dans leurs jours de fête; mais le règlement avait une raison de garder le silence à