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gieux s’est affaibli chez elles, elles ont au moins conservé les pratiques et le culte. Un monument élevé par les adorateurs de la fontaine d’Eure (cultores Urœ fontis), qui se trouve au musée de Lyon, représente un confrère dans l’attitude d’un prêtre qui sacrifie, une patère à la main et la tête voilée. Les sacrifices ont toujours tenu une grande place dans la vie des collèges. Leurs règlemens faisaient un devoir aux magistrats de se vêtir de blanc les jours de fête et de venir apporter aux dieux de l’association l’encens et le vin. A de certaines solennités, les associés sortaient en grande pompe de leur schola; ils traversaient les rues de Rome, précédés de leurs bannières, comme les confréries d’aujourd’hui, et s’en allaient sacrifier à quelque temple célèbre. Ces cérémonies ont duré autant que l’empire. Jusqu’à la fin, les associations sont restées fidèles à leur ancien culte; elles ne se sont jamais émancipées tout à fait de la religion. Aussi le christianisme, lorsqu’il fut le maître, parut-il à certains momens redouter l’influence qu’elles conservaient sur l’esprit du peuple. Quand les empereurs chrétiens, à l’instigation des évêques, renversèrent les autels et s’emparèrent des temples, ils ne négligèrent pas de confisquer aussi les biens de quelques-unes de ces sociétés, qui leur semblaient les derniers soutiens du paganisme.

Les collèges avaient encore un autre lien avec la religion; ils se rattachaient à elle par le soin qu’ils prenaient de la sépulture de leurs membres. Les funérailles étaient dans l’antiquité encore plus que chez nous un acte religieux. On croyait fermement que ceux-là seuls jouiraient du repos et du bonheur dans l’autre vie qui avaient été ensevelis selon les rites; aussi prenait-on autant de peine pour se préparer un tombeau qu’un chrétien met de soin à se munir, avant sa mort, des derniers sacremens. C’était le souci de tout le monde; on y songeait d’avance pour n’être pas pris au dépourvu. On tenait surtout, quand c’était possible, à être enterré auprès des siens, dans des sépultures de famille. La vieille société aristocratique de Rome en avait fait un devoir sacré pour tous ceux qui appartenaient à quelque ancienne maison. « La religion des tombeaux est si grande, dit Cicéron, qu’on regarde comme un crime de se faire ensevelir hors des monumens de ses aïeux. » Ainsi l’avait prononcé le jurisconsulte Torquatus. Les collèges, qui remplaçaient souvent la famille pour les pauvres gens, avaient été amenés à construire pour leurs membres des sépultures communes. Après avoir passé la vie ensemble, dans les mêmes travaux et les mêmes plaisirs, c’était une consolation de reposer dans la même tombe. Ce désir était surtout très vif parmi les associations les plus humbles: leurs protecteurs le savaient bien, et une de leurs libéralités les plus ordinaires consistait à aider le col-