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métiers; parmi ceux qui s’étaient mis particulièrement sous sa protection, Ovide cite les tisserands, les foulons, les teinturiers, les cordonniers, les charpentiers, les médecins. « Et vous aussi, ajoute-t-il, troupe misérable et si mal payée, pauvres maîtres d’école, gardez-vous de négliger la déesse; c’est elle qui vous donnera des élèves. » La société des habitans de Vélabre nous a laissé un témoignage de sa dévotion : c’est un monument qu’elle élève « au dieu saint, au dieu grand, à Bacchus, père, protecteur et conservateur des associés. » Des fonctionnaires religieux ne manquaient pas dans les collèges. Pour entretenir la chapelle on nommait un sacristain (œdituus), et la mention de ces sacristains est fréquente dans les inscriptions. Quoiqu’à l’exemple de ce qui se passait dans la cité le culte dût être accompli d’ordinaire par les magistrats de l’association, quelques-unes se donnaient pourtant des prêtres. On en trouve surtout dans celles qui sont attachées à la célébration des jeux publics. En général ces sociétés d’acteurs paraissent avoir été fort dévotes. Celles des mimes et des athlètes grecs avaient à leur tête un grand-prêtre et se donnaient le nom de saint synode. Ce nom, qui est resté en usage dans les églises d’Orient, n’est pas celui dont nous désignerions aujourd’hui une réunion de comédiens; mais il faut se rappeler le rapport étroit qui, chez les peuples antiques, unissait à la religion les jeux du théâtre et du cirque. Ils faisaient partie du culte public, et les acteurs se trouvaient ainsi presque transformés en prêtres de la cité. Du reste, les membres du saint synode n’avaient pas pour cela des habitudes plus morales, et Aulu-Gelle rapporte que les gens sages recommandaient avec soin aux jeunes gens de ne pas les fréquenter.

Il est assez difficile de savoir au juste ce qu’il y avait de réel et de sincère dans ces apparences religieuses dont les associations romaines aimaient à s’entourer; beaucoup pensent aujourd’hui qu’il ne faut pas prendre tout à fait leur dévotion au sérieux. Quelle que fût l’origine de ces collèges, le temps avait fort relâché les liens qui les attachaient à la religion. En réalité, les intérêts matériels et les plaisirs mondains les occupaient plus que tout le reste. C’est ainsi que chez nous la plupart des corporations qui ont grandi au moyen âge sous l’aile de l’église ont fini par s’en séparer. Elles sont aujourd’hui tout à fait sécularisées. On commettrait une erreur ridicule, si l’on se laissait tromper par les anciens noms qu’elles ont gardés, et si l’on prenait nos sociétés de Saint-Denis ou de Saint-Martin pour des réunions d’anachorètes. Le saint n’est plus pour elles qu’une étiquette qui les distingue ou le prétexte de quelques joyeux festins. Les associations romaines ont pu suivre la même voie, seulement elles se sont arrêtées en route. Jamais elles n’en sont venues à se séculariser autant que les nôtres; si l’esprit reli-