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leurs. Quoiqu’à Rome les collèges fussent composés surtout de pauvres gens, on ne s’y révoltait pas contre les inégalités sociales; il semble au contraire qu’on les acceptait sans résistance et presque sans peine. L’album les reproduit fidèlement, sans essayer de les atténuer. En tête sont placés les dignitaires de toute sorte, les protecteurs ou patroni, les présidens sortis de charge (quinquennalicii) et ceux qui sont en exercice (quinquennales). Ces fonctionnaires sont souvent en fort grand nombre ; comme leur libéralité est une des sources les plus abondantes des revenus de la société, on s’enrichit en les multipliant. Au-dessous d’eux se trouve la foule des associés ordinaires (plebs, sequela). Ils sont rangés le plus souvent d’après la place qu’ils occupent dans la société, les hommes libres d’abord, les affranchis ensuite. Si le collège contient des affranchis et des esclaves, les esclaves viennent à la fin de la liste. Quelquefois le nombre des confrères est limité; il arrive que les empereurs, en autorisant une association, fixent le chiffre des membres dont elle doit se composer, de peur qu’elle ne devienne dangereuse en s’étendant trop. Quelquefois aussi les fondateurs ou les bienfaiteurs de la société ne veulent pas qu’elle s’accroisse de peur que les sommes qu’ils lui lèguent ne soient insuffisantes pour la faire vivre. Quand elle n’est pas limitée, le nombre des associés devient quelquefois très considérable. Il faut alors établir quelque ordre dans cette foule. On suit encore ici l’exemple des cités; on divise les confrères en centuries et en décuries. Cette division commode se retrouvait partout ; on l’avait appliquée à ces grands troupeaux d’esclaves entassés dans les maisons des riches. Le christianisme, qui emprunta tant de choses à l’organisation des collèges, la transporta dans ses monastères. « Les cénobites, dit saint Jérôme, sont distribués en décuries et en centuries, en sorte que chaque groupe de neuf moines est dirigé par le dixième, et qu’à leur tour dix décurions sont sous les ordres d’un centurion. »

C’était aussi une affaire grave pour un collège qui venait de naître que de choisir le lieu de ses réunions. Quelques-uns, les plus misérables, se rassemblaient simplement au cabaret; mais il fallait qu’ils fussent bien pauvres pour n’avoir pas un local qui leur appartînt. Suivant les pays, le local portait des noms différens. On l’appelait d’ordinaire le lieu du repos et du loisir, schola. L’emplacement de la schola était souvent fourni par quelque riche protecteur; si le collège était de ceux qui avaient des liens avec l’administration de la cité, comme les augustales ou les fabri, les décurions permettaient de la construire sous les portiques de quelque basilique ou sur quelque terrain municipal. L’entretien et l’embellissement de la schola était un des grands soucis des dignitaires de l’association. Les uns en refaisaient à leurs frais le pavé et le vestibule,