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pour ses membres une sorte de cité particulière, une république, et il aime à en prendre le nom dans ses jours d’apparat (respublica collegii). Le règlement fait, les collègues se réunissent pour le signer. La cérémonie était importante, et nous voyons qu’on le signait quelquefois dans un temple, sans doute pour lui donner plus d’autorité. C’était la loi du collège, une loi rigoureuse qui décernait des amendes, qui exigeait le respect. On devait l’afficher dans un lieu apparent, afin qu’elle fût toujours sous les yeux des confrères ; on la communiquait aux nouveau-venus pour leur faire bien connaître leurs devoirs et leurs droits. « Toi qui veux entrer dans cette association, dit un de ces règlemens, commence par lire la loi avec soin et n’entre qu’après ; c’est le moyen de n’avoir pas lieu de te plaindre plus tard. « En même temps la société se choisissait des chefs ; leur nombre et leur nom différait d’un collège à l’autre, quoiqu’en réalité leurs fonctions fussent à peu près semblables partout. On les appelait tantôt maîtres et présidens (magistri, quinquennales), tantôt administrateurs (curatores), et ils restaient ordinairement en charge pendant un an. Au-dessous de ces magistrats supérieurs, il y en avait de moins importans, des questeurs par exemple, chargés de surveiller la petite fortune de la société. Ils étaient tous distingués des associés ordinaires par certaines prérogatives ; ils recevaient une meilleure portion dans les dîners de corps, et une somme plus forte dans les distributions d’argent. Ils avaient aussi l’honneur d’être placés en tête de l’album du collège ; on donnait ce nom à la liste officielle de tous les membres. Elle était tenue avec soin et révisée tous les cinq ans, comme celle du sénat romain et des conseils municipaux des villes de province. Le président, élu l’année où l’on devait faire le cens, avait sans doute le même droit que les censeurs de Rome ; il excluait de la société les membres indignes. La liste, une fois arrêtée, était gravée et affichée en cérémonie. Nous voyons à Cumes qu’à l’occasion de la dédicace de l’album des dendrophores le président donne à dîner à tous les collègues. Une chance heureuse nous a conservé plusieurs de ces albums ; ils sont pleins de renseignemens curieux pour nous. Ils nous montrent surtout jusqu’à quel point la race romaine a poussé en toute chose l’amour de l’ordre et le respect de la discipline : ce sont là les vertus qui l’ont faite si grande ; elle savait qu’on n’arrive à commander au monde qu’à la condition de savoir obéir chez soi, et que, si les forces dont se compose une nation ne parviennent pas à se coordonner et à se subordonner entre elles, elles s’épuisent en efforts (isolés et inutiles. Les albums nous font voir que cet esprit de soumission, ce respect de la hiérarchie, avaient pénétré jusque dans les dernières classes de la société. Ce sont précisément les qualités qui nous manquent le plus, et il est naturel qu’on les retrouve encore moins dans nos associations qu’ail-