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le droit de cité à tous les peuples de l’empire. La vieille législation romaine, étroite et rigoureuse, s’élargissait de tous les côtés, et au milieu même des malheurs publics, sous des princes détestables ou impuissans, la société et les lois s’imprégnaient tous les jours davantage de civilisation et d’humanité.

Les collèges étaient surtout nombreux à Rome : de là, ils s’étaient répandus dans presque toutes les provinces de l’empire; mais ils n’eurent pas partout la même fortune. Ils se multiplièrent et devinrent puissans dans les pays riches, où florissaient le commerce et l’industrie, où la vie municipale s’était développée, en Orient, en Italie, dans les Gaules. Là, on les rencontre partout et à tous les degrés de la société. Les négocians, les affranchis, les esclaves, y sont comme distribués dans des associations de toute sorte, qui portent les noms les plus variés. Leur nombre est souvent considérable dans la même ville, il arrive qu’on en compte plusieurs sur la même place, dans la même rue. Tous ces collèges se ressemblent pour l’essentiel, et ils diffèrent entre eux plutôt d’importance que de nature. Leur organisation surtout est la même, et l’on voit bien qu’ils ont été institués sur un modèle commun. On peut donc, en réunissant ce qu’on sait de chacun d’eux et en négligeant quelques diversités de détail, tracer de la manière dont ils s’administraient, de la vie qu’on y menait, du bien qu’ils ont pu faire et des limites dans lesquelles ce bien s’est arrêté, un tableau général qui puisse à peu près convenir à tous.


I.

Essayons d’abord de nous faire quelque idée de la manière dont ces associations se formaient. Les occasions qui pouvaient leur donner naissance étaient très diverses, et l’on comprend qu’il ne soit pas possible de les indiquer toutes. Cependant, comme il faut se connaître avant d’avoir la pensée de s’associer, il était naturel que les collèges fussent composés d’ordinaire de personnes que rapprochaient des occupations communes, qui par exemple exerçaient les mêmes métiers. C’est la raison qui rendit les associations ouvrières si nombreuses à Rome et dans l’empire; il y en avait de toutes les sortes et qui répondaient à tous les commerces. Dans les plus humbles comme dans les plus élevés, on cherchait à se réunir. Les âniers et les muletiers formaient des collèges comme les négocians en vin et en blé. Au-dessous des navigateurs qui traversaient la mer, il y avait ceux qui faisaient le service des lacs et des rivières, les patrons de radeaux et de barques (lenuncularii, scapharii). Dans les industries variées qui concernent la toilette, surtout celle des femmes, il y avait place pour une infinité de collèges d’importance très différente, depuis ceux où l’on travaillait la