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l’organisme est le signe d’une adaptation exclusive, et les groupes chez qui ces changemens se manifestent se trouvent voués pour la plupart à un régime strictement déterminé. Les premiers insectes sont plutôt rôdeurs et polyphages ou simplement carnassiers ; ils possèdent déjà des ailes, mais ils ne sont pas construits uniquement en vue du vol, puisque ces ailes, d’abord absentes, constituent à peu près le seul changement qui distingue la nymphe et même la larve de l’individu parfait.

Essentiellement liés au monde des plantes, les insectes suivent pas à pas le développement de celles-ci. L’apparition des fleurs, des fruits succulens, des sécrétions gommeuses, huileuses, amylacées, des sucs mielleux et sucrés, la présence des bourgeons tendres, des feuillages délicats, des tissus spongieux, datent d’une époque relativement récente ; il ne faut donc pas s’étonner de ne rencontrer d’abord ni les fourmis, ni les abeilles, ni les papillons, ni même les mouches. Les insectes étaient, par cette raison, bien moins variés au début ; en même temps ils ne causent de surprise par aucune singularité bien saillante. Les genres dont ils font partie existent encore sous nos yeux ou s’écartent assez peu de ceux de la nature actuelle. Aucune classe n’a montré plus de souplesse par sa tendance à se diversifier à l’infini, mais aucune n’a déployé plus de persistance à conserver les traits une fois acquis.

Cependant la convergence mutuelle des ordres et même des classes s’observe chez les articulés[1] de la même façon que chez les vertébrés lorsque l’on remonte dans un passé très reculé. Les bellinurus, crustacés inférieurs du terrain primaire, offrent des caractères qui les rapprochent à la fois des trilobites d’une part, des arachnides de l’autre. Du reste, les pygnogonies, dans la nature actuelle, marquent le même passage des crustacés vers les arachnides. Des insectes dévoniens observés récemment et qui sont les plus anciens de tous ceux trouvés jusqu’ici présentent à un degré remarquable la réunion de caractères aujourd’hui épars ; ce sont des névroptères ou libellules dont les pattes étaient construites de manière à produire par le frottement un chant comme celui des orthoptères de la tribu des acridiens ou criquets.

Les insectes se multiplient dans le terrain houiller, qui succède au terrain dévonien ; le nombre en est encore cependant bien restreint : M. Heer, il y a peu d’années, ne comptait que vingt et une espèces ; on en compte aujourd’hui de vingt-sept à trente au plus. Les principaux de ces insectes, après les blattes, qui comprennent à elles seules plus de la moitié des espèces, sont des sauterelles, des

  1. Sous le nom d’articulés sont compris les crustacés, les arachnides, les myriapodes et les insectes ; ils forment autant de classes et dépendent d’un même sous-embranchement.