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suite d’une longue série de siècles qu’elles ont dû revêtir les formes que révèlent les plus anciennes empreintes. Depuis le temps où se déposaient les schistes, les quartzites et les calcaires des systèmes cambrien et silurien jusqu’aux amas charbonneux du terrain dévonien, temps énorme, puisqu’il correspond à des couches épaisses de 15 kilomètres dans les îles britanniques, l’air a dû s’épurer, les pluies cesser à la fin d’être continues pour devenir intermittentes, et l’atmosphère, tout en demeurant chaude et brumeuse, n’a plus constitué une seconde mer suspendue au-dessus de l’océan. Alors aussi la végétation terrestre a dû élaborer des formes et des organes nouveaux appropriés à des circonstances nouvelles. Pour la première fois, les végétaux ont présenté des feuilles, émis des racines, diversifié la structure de leurs tissus, et acquis la beauté qui résulte d’une symétrie de plus en plus rigoureuse des parties, aussi bien que la force qui naît de l’énergie croissante des fonctions vitales. Cette marche, qu’il nous est permis de suivre à partir du système dévonien, a été des plus longues, et elle a été constamment liée à celle du règne animal tout entier. Les plantes ont fourni aux animaux des alimens d’autant plus riches qu’elles ont été plus parfaites et qu’elles se sont éloignées davantage de leur point de départ. Des lenteurs incalculables ont été la conséquence fatale de cette solidarité ; on peut même dire d’une façon générale que le règne végétal est longtemps demeuré en retard sur l’autre règne et qu’il a obligé celui-ci de l’attendre. Au sein des eaux la vie animale, bien plus livrée à elle-même et moins dépendante du monde des plantes, a dépassé presque aussitôt la végétation, laissant celle-ci arrêtée à son plus bas niveau ; mais à l’air libre la vie animale, placée dès le début dans une étroite dépendance de la végétation, a été forcée de suivre celle-ci pas à pas. Il est évident que la terre ferme a seule procuré à la végétation les élémens d’une progression effective dont le terme n’a été atteint que fort tard, et dont l’agriculture achève sous nos yeux de tirer parti. De leur côté, les animaux terrestres, après avoir promptement atteint un degré remarquable de complication organique, se sont trouvés hors d’état d’aller plus loin à l’aide de leurs seules forces, et ont dû attendre le progrès de l’autre règne. C’est là ce qui explique pourquoi l’on rencontre des mammifères avant la fin du trias, qu’on en découvre encore vers le milieu et la fin des temps jurassiques, et qu’ils se montrent toujours rares, chétifs, imparfaits, en réalité stationnaires. La végétation de ces mêmes époques est indigente, elle comprend des formes peu variées et coriaces. Elle ne se complète que longtemps après, vers la fin des temps crétacés, et alors seulement un mouvement parallèle se manifeste chez les mammifères ; mais il se prononce après celui qui entraîne les végétaux, et ne de-