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comme l’Aral ou la Caspienne, vastes, mais peu profondes et exposées à des alternatives de desséchemens partiels et de crues subites, pour obtenir dans l’intervalle des débordemens d’immenses plages recouvertes d’un limon fin, assez fermes pour donner accès à une foule d’animaux, assez molles pour que leurs pieds pussent y imprimer un creux durable ou même un moule exact de leur face plantaire. Ces vestiges se nomment en langage de vénerie des traces, et ces traces sont généralement assez bien caractérisées pour permettre aux chasseurs de reconnaître l’âge, le sexe et la taille de l’animal à qui elles appartiennent.

Sur une plage unie et limoneuse, non-seulement les animaux laisseront des vestiges de leur marche, mais la pluie elle-même, tombant à larges gouttes, y marque son action en creusant une multitude de petites cavités arrondies. Toutes ces traces durciront par le progrès du desséchement, qui finit par amener le fendillement en tout sens de l’argile superficielle. Et maintenant supposons l’arrivée d’une crue pareille à celles qui changent périodiquement les limites des lacs du Soudan ; si elle recouvre d’un lit de sable fin la surface déjà consolidée de la plage où s’ébattaient naguère une foule d’animaux, nous concevrons très bien comment le sable se moulera dans les moindres creux. Si plus tard le limon disparaissait, les moules en relief de l’assise de grès resteraient comme un témoignage éternel du passage des anciens êtres, des effets de l’averse et du fendillement de l’argile. — Tel est le fait observé sur plusieurs points du terrain triasique par les géologues. L’intérêt de semblables observations consiste principalement dans les notions qu’elles nous fournissent au sujet des plus anciens animaux terrestres. Les animaux triasiques n’ont point été proprement les premiers ; mais il semble que les animaux du trias aient été les premiers qui se soient répandus en troupes nombreuses sur des plages que des émersions opérées sur une large échelle leur ouvraient de tous côtés. Un géologue justement regretté, M. d’Archiac, s’est étonné du caractère de singularité que manifestent les formations triasiques. L’ambiguïté des dépôts, les indices de la faible profondeur des eaux, la délimitation vague des bassins, les amas de sel gemme et de gypse, enfin la rareté des vestiges d’êtres réellement marins, tandis que les restes de plantes et les lits formés de débris de poissons, de reptiles et d’insectes se montrent fréquemment, toutes ces circonstances réunies font que l’on se demande où s’était alors retirée la masse de l’océan, et de quelle nature étaient les eaux qui ont laissé tous ces sédimens. Quelquefois les traces organiques manquent absolument, comme s’il s’agissait de mers entièrement désertes. La présence du sel gemme semble une conséquence du dessèchement de certaines méditerranées, où la concentration