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sert de véhicule aux gaz respirés par ces êtres, mais elle baigne ces derniers et les pénètre ; le système aquifère des mollusques comprend même tout un ensemble d’ouvertures et de canaux. C’est là, il faut bien le dire, un des caractères les mieux prononcés d’infériorité relative. Prenons les algues aussi bien que les animaux mous, nous verrons qu’à peine retirés de l’eau ces organismes se dessèchent et perdent par l’évaporation le liquide qui maintenait en eux la circulation et la vie. Sans doute ce n’est pas l’eau qui les anime, leurs organes élaborent les fluides nourriciers en retenant les élémens utiles et rejetant les autres ; mais leurs cellules et leurs fibres se trouvent en communication directe avec le liquide ambiant, qui s’infiltre jusque dans leur intérieur. M. Félix Plateau n’a-t-il pas prouvé dernièrement que la mort des invertébrés marins plongés dans l’eau douce était due à l’absence du sel, dont l’action sur la trame de l’organisme ne pouvait être suppléée par rien ? Cette trame est d’ailleurs trop lâche, et les tissus vivans sont trop peu clos pour retenir les liquides, ce qui a lieu nécessairement chez les êtres destinés à vivre à l’air libre. Ces êtres respirent l’air en nature, mais ne s’en nourrissent pas ; l’eau cesse d’être le véhicule des gaz respirés, mais elle est toujours celui des sucs réparateurs. Inutile à l’inhalation, elle reste nécessaire à la nutrition ; elle alimente également la séve et le sang, elle continue à baigner les corps vivans, mais c’est à l’intérieur seulement, et, pour qu’elle y séjourne, il faut qu’elle y soit retenue comme dans un vase clos. L’être organisé terrestre, qu’il demeure fixé au sol ou libre, conserve avec lui sa provision d’eau ; seulement cette provision se trouve garantie contre la déperdition par des parois protectrices, — écorces, peaux, épidermes, etc. Pour obtenir un pareil résultat, il a fallu de telles modifications de structure que plusieurs catégories d’êtres ne sont jamais parvenues jusqu’à la vie terrestre, et que d’autres ne l’ont acquise que d’une façon imparfaite et par l’emploi de moyens détournés. Dans tous les cas, entre le point de départ et le point d’arrivée, il existe une foule d’états ambigus et de combinaisons intermédiaires qui font voir combien la vie a dû surmonter d’obstacles et subir de tâtonnemens avant de résoudre entièrement le problème.

Les êtres purement aquatiques meurent promptement une fois retirés de l’eau ; mais on conçoit qu’une atmosphère très humide soit presque l’équivalent d’un milieu liquide. C’est ainsi que les cloportes, quoique respirant par des branchies comme les autres crustacés, vivent à l’air sous les pierres et dans l’herbe mouillée. Les lichens et les mousses, bien que terrestres, ne végètent que sous l’influence de l’eau. Inertes tant que l’air reste sec, ces plantes suspendent pour ainsi dire le cours de leur existence ; leur vie s’arrête