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sédé longtemps les mêmes populations d’animaux et de plantes ; les aspects, les formes, les proportions relatives, ont été sujets à de perpétuels changemens. La différence la plus radicale qui divise les productions de la vie résulte de la coexistence de deux séries, l’une animale, l’autre végétale, l’une douée, l’autre dépourvue de sensibilité ; l’une possédant au moins les rudimens d’un appareil nerveux, l’autre réduite aux seules fonctions de nutrition et de reproduction, privée de celles de relation. Le règne végétal exerce sous l’influence nécessaire de la lumière sa fonction la plus essentielle, qui est de fixer, à l’aide de l’acide carbonique absorbé et décomposé, la substance verte des feuilles. L’autre règne, bien qu’il possède seul des organes destinés à percevoir la lumière, peut dans beaucoup de cas se passer de cet agent, mais non pas d’oxygène : il brûle ce gaz, qui devient pour lui une source de chaleur ; enfin il manifeste des sensations et opère des mouvemens voulus. Ce n’est pas tout : les diversités de la vie sont bien plus étonnantes lorsqu’on s’attache uniquement aux individus. En effet, l’individu, dans les limites de son existence particulière, ne reste pas plus semblable à lui-même que les séries d’êtres organisés, considérés à des points successifs de leur histoire. Ce sont tantôt des modifications graduelles constituant simplement les âges, tantôt des mutations assez marquées pour déterminer des états, ou enfin de véritables transformations qui amènent un être à des conditions d’existence entièrement nouvelles ; ces dernières prennent le nom de métamorphoses. La séparation des sexes chez les animaux et chez les plantes, le dimorphisme ou la dualité permanente de certaines divergences de structure, les croisemens eux-mêmes et ces milliers de nuances que présente à chaque instant l’organisme, sont entre les mains de la nature vivante autant de moyens qui lui servent à introduire au milieu de ses productions une diversité très grande, l’on peut même dire une constante mobilité.

L’unité est cependant au fond de ces divergences de tous les degrés ; elle en est la base et probablement le point de départ. Buffon a dit que la faculté de se reproduire, que possèdent tous les êtres vivans, supposait entre eux plus de choses communes que l’on ne serait porté à l’admettre au premier abord. Pour saisir la profondeur de cette réflexion, vieille pourtant de plus d’un siècle, il faut rechercher la signification vraie des états que traverse la généralité des êtres, mais qui sont toujours plus accentués chez ceux qui sont inférieurs. Les êtres supérieurs sont effectivement ceux dont les individus demeurent le plus constamment semblables à eux-mêmes dans le cours de leur existence. Plus complexes et plus spécialisés, ils se prêtent bien moins à ces conversions rapides, à ces confusions pleines d’ambiguïté qui permettent aux organes des êtres