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contre-anathématismes opposés aux anathématismes de Cyrille et détruisant, proposition par proposition, ceux qui avaient été lancés contre lui ; puis il distribua cet ouvrage à ses amis et à ses ennemis. Mais quand on considère que Cyrille, ce prince des théologiens, n’avait pas pu dresser douze articles sur l’incarnation sans encourir, de la part d’autres théologiens orthodoxes comme lui, le reproche d’hérésie, que n’advint-il pas à Nestorius, chez qui la théologie était le moindre des mérites ! Ses contre-anathématismes fourmillaient d’erreurs, et ses amis mêmes furent contraints de l’abandonner.

L’incendie éteint se ralluma de nouveau, et de tous côtés on demanda un concile général. C’était le seul remède à une situation que le plus intéressé envenimait comme à plaisir. Nestorius lui-même le demanda un des premiers ; il comptait y triompher infailliblement sans toutes ces concessions qu’on lui arrachait au nom de la paix. Déjà même il entrevoyait avec satisfaction des luttes oratoires où son éloquence se déploierait dans tout son éclat ; il retrouverait là d’ailleurs, pensait-il, ses anciens amis syriens qui l’avaient tant acclamé dans les basiliques d’Antioche, et lui avaient conservé leurs sympathies. Ce n’était pas moins pour lui que la complète défaite, la déposition de Cyrille, la perte de son influence, son excommunication peut-être. Une seule chose le tourmentait, c’est que Cyrille n’essayât de se dérober à la lutte, et en mandant au pape Célestin que l’empereur avait enfin consenti à la convocation d’un concile, il ajoutait avec une singulière simplicité : « Surtout que l’évêque d’Alexandrie ne manque pas de venir y chercher la condamnation qui l’attend. » Il tenait le même langage à ses amis. « Dans le concile que nous espérons avoir, écrivait-il au patriarche Jean, nous réglerons toutes choses sans scandale et avec union. Vous devez vous étonner moins que personne de la présomption de l’Égyptien dont vous avez tant d’exemples ; bientôt, s’il plaît à Dieu, on louera notre conduite, et le succès la couronnera. » Le pape n’augurait pas ainsi de l’avenir, et, comme il n’avait en vue que le repos de l’église, il eût souhaité que l’orthodoxie triomphât par des voies plus pacifiques. Quant à Cyrille, il se montra mécontent de cette conclusion, qui déjouait ses savantes manœuvres et l’obligeait à recommencer la campagne.

Enfin parut la lettre sacrée (c’était le style de la chancellerie romaine) qui convoquait l’assemblée des évêques de l’univers chrétien pour la Pentecôte de l’année suivante dans la ville d’Éphèse. Elle était écrite, suivant l’usage, au nom des deux empereurs, car, la souveraineté impériale étant indivisible comme le peuple, dont elle était censée une délégation, les deux empereurs n’étaient que deux parties de la même unité, et les actes importans du gouvernement leur étaient communs comme les lois. Telle était la théorie