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nouveau dogme romain ; le ministère le proclame, et annonce sa ferme intention de se défendre. M. de Lutz, ministre des cultes, parlant le 14 octobre dernier au nom de ses collègues, revendique pour l’état la faculté de modifier le droit public qui règle ses relations avec l’église, les bases sur lesquelles reposaient ces relations ayant été changées par l’introduction d’un nouveau dogme plein de dangers pour les gouvernemens. Le ministre ajoutait qu’il considérerait les communautés des schismatiques comme catholiques, et par conséquent comme jouissant des mêmes droits dont elles auraient été en possession, si leur formation eût été antérieure au nouveau décret du Vatican. De son côté, le chef du parti national-libéral dans le parlement bavarois, M. le baron de Stauffenberg, déclarait en même temps que, si les états particuliers étaient trop faibles pour opérer eux-mêmes la séparation de l’église et de l’état, il fallait remettre ce soin à l’empire. Il est à remarquer que ces changemens d’allure coïncident avec le passage à Munich de M. de Bismarck au mois de septembre dernier.

La conduite du prince-chancelier est en effet conforme à cette même direction. Dans une lettre toute récente à l’archevêque de Cologne, l’empereur Guillaume « se plaint de l’attitude des prélats allemands, qui semblent avoir en vue d’ébranler la légitime confiance des catholiques prussiens dans le gouvernement de leur roi; il avait espéré, que les élémens antinationaux qui existaient autrefois au sein de l’église catholique se réconcilieraient avec l’ordre de choses nouvellement établi; mais, si cette attente devait être déçue, toutes les confessions religieuses n’en continueraient pas moins à jouir en Prusse de la plus grande liberté. » — « Si, dit-il encore, des incidens survenus au sein même de l’église catholique menacent d’atteindre les rapports satisfaisans qui ont jusqu’à ce jour existé entre l’église, et l’état, les conflits qui pourraient surgir devront trouver leur solution par la voie légale. »

On peut inférer de cette lecture que la situation commence à se tendre entre la curie romaine et l’empire d’Allemagne. Si quelque événement extérieur, tel que la mort du pape, venait en fournir l’occasion au gouvernement impérial, la séparation entre Rome et l’Allemagne pourrait bien devenir plus complète et plus radicale. Un conclave réuni en France, par exemple, serait pour le chancelier un prétexte précieux pour détacher les catholiques germains d’une église gallo-romaine, et faciliter l’établissement de l’autonomie religieuse en Allemagne. M. de Bismarck n’éprouvera aucune difficulté à se rappeler qu’il est élève des universités, docteur allemand, c’est-à-dire ennemi-né du catholicisme romain. Si donc le vénérable doyen des vieux catholiques se montre irrésolu ou im-