Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/558

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cet ordre n’a cessé d’exercer une influence considérable sur le paysan bavarois depuis le XVIe siècle, époque à laquelle le duc Guillaume IV l’appela pour combattre les progrès de la réformation. Quinze membres de la compagnie suffirent, à ce moment, pour se rendre maîtres en peu d’années du peuple, des universités, de la noblesse, des femmes et du prince lui-même.

Mais aujourd’hui le centre et l’objet de ces aspirations religieuses des foules semble leur faire défaut et se dérober. La papauté, par ses nouvelles exigences, ne prépare-t-elle pas son propre suicide? Le jour, peut-être prochain, où la Rome pontificale ne sera plus qu’un pieux souvenir, il deviendra nécessaire de rendre aux masses populaires un but sensible pour leurs affections. Le moyen s’en offre dans la reconstitution des églises nationales. Si l’église catholique, comme son nom l’indique, est universelle, l’existence et la conduite des communautés sont choses nationales et locales. La catholicité primitive comprenait toutes les églises chrétiennes, qui se réunissaient bien pour conférer entre elles, se confirmer ou se redresser mutuellement dans les voies de la vérité, mais s’administraient en toute liberté. N’y avait-il pas à côté de Rome les églises d’Arménie, d’Antioche, de Jérusalem, l’église syro-persane, abyssinienne, irlandaise et celle de la vieille Bretagne? La France n’a-t-elle pas traversé deux siècles de combats pour obtenir son église propre, quoique toujours catholique? Qui peut donc s’opposer à ce que l’Allemagne ait aussi son église catholique, mais non plus romaine, une église « autocéphale, » pour parler le langage des théologiens? Aucun principe fondamental n’est mis par là en péril : c’est pure question administrative.

Cette solution s’annonçait déjà, discrètement enveloppée, dans la profession d’indépendance de l’état laïque, lorsqu’au début de l’agitation actuelle les nationaux-libéraux exhortaient les gouvernemens à soutenir ouvertement les vieux catholiques. « La mission des gouvernemens, leur fut-il répondu, n’est pas de trancher les différends théologiques, mais nous suivrons la nation aussitôt qu’elle-même se sera décidée. » Ainsi firent les princes et les villes lors de la réformation; ils ne prirent couleur que lorsque le parti schismatique eut constitué une véritable puissance. Ce moment est-il arrivé? La conduite de M. de Bismarck envers l’épiscopat prussien nous le laisserait supposer. D’autre part, celle des hommes d’état de la Bavière n’est pas moins claire. Après s’être montré assez longtemps hésitant entre le parti des vieux catholiques et Rome, arrogamment représentée par ses évêques repentans, le gouvernement bavarois semble aujourd’hui avoir passé le Rubicon. L’indépendance de l’état est menacée comme celle des consciences par le