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tins, gagna pendant la guerre la plupart des villes allemandes, et donna bientôt naissance à un parti nombreux que l’on a désigné sous le nom de vieux catholiques, c’est-à-dire de catholiques restés fidèles à l’ancienne confession du concile de Trente. Ce parti, recruté parmi les classes éclairées, groupé autour des universités, dirigé par des chefs de talent, des théologiens, des juristes, des hommes politiques, a fait de Munich sa place forte. Non-seulement il refuse aujourd’hui de reconnaître les décrets du concile de 1870, mais il accuse ouvertement le pape et le clergé romain d’hérésie. Quant aux évêques allemands, après avoir déclaré au concile, et sur tous les tons, que la doctrine de l’infaillibilité n’était qu’un tissu d’impostures, le dogme une fois proclamé, ils ont cru devoir publiquement désavouer leur courageuse, mais inutile résistance. Les uns après les autres, s’armant d’insensibilité contre de faibles remords, ils se sont tous soumis, à l’exception de Mme Strossmayer, aux ordres et décrets de l’église.

C’est un litige intéressant et fait pour retenir même un sceptique. La tradition tout entière est contre vous, s’écrie le parti des vieux catholiques en s’adressant au parti romain; l’hypothèse de l’infaillibilité du pape a été absolument inconnue pendant les premiers siècles du christianisme, la papauté elle-même au temps de sa plus grande puissance n’a jamais osé la formuler dans son intégrité. Les oracles théologiques, les pères de l’église, sont muets sur la personne du pape; jamais dans la primitive église on n’a investi les évêques de Rome de qualités supérieures à celles de leurs autres collègues. Ils ajoutent, les infatigables chercheurs, que dans les plus anciens conciles, en remontant jusqu’aux synodes de Rimini et de Séleucie, vers le milieu du IVe siècle, on ne voit pas que le nom du pape ait été prononcé une seule fois. L’église romaine n’était même pas représentée au fameux concile œcuménique de 381, où l’on formula le dogme important du Saint-Esprit. Et qu’on ne s’arrête pas à cette appellation de pape donnée à l’évêque de Rome; elle ne lui était point particulière. D’autres pasteurs chrétiens l’ont reçue au même titre que le pontife romain. Tous cependant, il faut l’avouer, n’ont pas eu des destinées aussi brillantes.

Le pape de Rome, disent encore les vieux catholiques, était si peu le chef et le supérieur des autres évêques qu’en 553 le pape Vigile, aux prises sur un point d’orthodoxie avec le cinquième concile général, se soumit aux arrêts de ses collègues, et déclara qu’il n’avait été jusqu’alors qu’un instrument de Satan, travaillant à la destruction de l’église. Enfin, en 680, le pape Honoré Ier fut condamné comme hérétique par le concile général de Constantinople, qui ordonna d’effacer son nom des livres de l’église et de brûler ses