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tenu compte, à la décharge de l’état, des effets de la loi de 1856, relative aux dots des princesses et des paiemens concernant les dettes hypothéquées sur le domaine confisqué, comme celles de l’emprunt contracté par ce domaine en 1850 et les pensions via- gères, nous croyons pouvoir affirmer que la spoliation dont les princes ont été les victimes monte à plus de 25 millions.

Mais qu’importent les chiffres? Avons-nous donc pris la plume pour établir un compte? Non certes, ce n’est pas le dernier survivant des exécuteurs testamentaires du roi Louis-Philippe qui vient demander justice au nom du droit violé, c’est le citoyen vieilli dans les affaires publiques qui s’adresse aux intérêts, au patriotisme, à la conscience de son pays, en déchirant un coin du voile qui a si longtemps dérobé aux regards de la France trompée les procédés d’une politique fatale. Assurément, s’il le fallait, l’exécuteur testamentaire ne faillirait pas à sa mission, et reprendrait énergiquement la lutte qu’il a soutenue pendant tant d’années; mais en est-il besoin quand la restitution de la propriété est réclamée par la conscience publique, quand cette restitution est assurée par le concours d’un gouvernement et d’une assemblée souveraine fermement résolus à réparer, sur tous les points où elles ne sont pas irrémédiables, les iniquités du régime impérial? La loi va intervenir, le gouvernement l’a proclamé par la voix des ministres des finances et de la justice. Cela suffit, le droit sera vengé et la justice historique satisfaite. En vain les avocats intéressés du césarisme, unis aux derniers représentans de haines invétérées qui se meurent, cherchent à égarer les esprits par d’étranges exagérations et à entourer d’obstacles une solution qui touche à la fois au droit des victimes de la spoliation, à la sécurité des acheteurs des biens indûment vendus et aux finances de l’état, débiteur de sommes considérables. Que les hommes de bonne foi se rassurent, l’équité corrigera tout ce que le droit strict aurait de trop rigoureux. Les princes dépouillés n’ont jamais élevé la voix qu’au nom du droit et de la piété filiale. Dès le premier jour, devançant toutes les préoccupations, ils se sont expliqués formellement à cet égard sans y avoir été provoqués. Ils demandent que la sécurité des acheteurs soit entièrement garantie par la loi, et en même temps ils déclarent qu’au moment où ils rentreront dans la possession des débris de leur fortune ils seront prêts à ne point se prévaloir contre l’état de la créance en argent provenant du fait des décrets de confiscation. Ils participeront de la sorte, dans la mesure que l’équité aura suggérée à l’assemblée nationale, aux sacrifices que les malheurs de la patrie doivent imposer à tout bon citoyen.

Ainsi se trouvera clos ce compte du passé qu’on ne se rappellera que pour flétrir l’acte antisocial qui en est l’origine, pour honorer