Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

langage : « Voilà mon explication, elle est bien simple. Je crois, comme vous, que Marie peut être appelée théotocos, mais je le crois d’une autre façon que vous. » L’archimandrite qui accompagnait ces malheureux et avait été non moins indignement traité m’était pas un homme sans importance, quoique simple diacre. Il avait tout souffert sans réclamer ni menacer ; mais le lendemain il se rendait au palais, obtenait une audience de l’empereur, et lui exposait les violences que lui et ses moines avaient subies de l’archevêque. « Ce n’est pas pour nous venger, ajoutait-il, Dieu le sait, que nous venons vous révéler ces choses, c’est afin que la foi demeure inébranlable. Il y a un remède aux désordres où l’on plonge de plus en plus l’église, mais un seul, prince très pieux, c’est que vous ordonniez dès maintenant la convocation d’un concile général, lequel décidera souverainement entre la vérité et l’erreur. » Ce mot de concile général parut à l’empereur un trait de lumière, et resta fixé dans son souvenir.

Tous les moines pourtant n’étaient pas aussi résignés que l’archimandrite Basile (c’était le nom de celui-ci), et ne courbaient pas la tête aussi passivement sous le bâton d’un pasteur qui se constituait à la fois offensé, juge et bourreau. La colère monta au cerveau de ces pauvres gens, ils ne purent plus souffrir l’archevêque. Une fois qu’il voulait entrer dans le chœur d’une de leurs églises pendant qu’on y célébrait l’office, l’un d’eux l’arrêta au passage : « Sortez, lui dit-il rudement, les hérétiques n’entrent point ici ! » L’archevêque le livra aux juges séculiers, qui le firent fouetter dans tous les carrefours, un crieur public marchant devant lui, puis l’envoyèrent en exil. Si de tels procédés n’attiraient pas les consciences vers les opinions nouvelles, ils refroidissaient du moins le zèle des opposans, et le patriarche se vantait de convertir son peuple.

Cependant les événemens de Constantinople et la guerre commencée entre les deux patriarches agitaient les églises d’Orient, principalement celle d’Antioche, d’où Nestorius était sorti, et qui lui conservait beaucoup d’affection. Ce qui inquiétait surtout ses amis, c’était de le voir aux mains de Cyrille, dont on appréciait, comme il le fallait, l’opiniâtreté et l’audace, et les chefs de l’église d’Antioche se demandaient s’il n’entrait point dans les calculs de l’Égyptien de compromettre le patriarcat de Syrie tout entier dans la cause de l’un de ses enfans. Jean, qui gouvernait alors ce grand patriarcat, le plus vaste de tout l’Orient, écrivit en particulier à Nestorius pour lui faire sentir qu’il avait tort, qu’il soutenait une cause insoutenable, que théotocos était non pas un terme nouveau, mais une expression dont beaucoup de pères s’étaient servis sans qu’on les eût jamais blâmés, que d’ailleurs ce n’était pour lui qu’une dispute de mots, car on ne doutait point, d’après de nombreux