mépris de l’espèce humaine, manifesté par l’offre d’argent prélevé sur le prix du champ d’autrui, révolta presque partout le sentiment public. Aussi que de soins pour l’étouffer ou pour l’égarer, puisqu’on ne pouvait pas le corrompre : silence imposé aux journaux et aux écrivains qui veulent s’en faire les organes, encouragemens aux folliculaires qui s’engagent à justifier le décret, refus de la censure de laisser publier le respectueux appel fait à la justice et à la loyauté du président de la république par les exécuteurs testamentaires du roi Louis-Philippe, refus de l’impression de la lettre du procureur-général près la cour de cassation, refus à deux reprises différentes de la publication du mémoire à consulter de M. Bocher, mandataire des princes d’Orléans, et de la consultation judiciaire de MM. Dufaure, Barrot, Paillet, Berryer et Vatimesnil.
Ces trois documens, si graves dans leur discussion, si modérés dans la forme, si étrangers à la politique, avaient trouvé à Bruxelles des imprimeurs et des éditeurs empressés à les publier. Ils y avaient joint la protestation des fils en faveur de la mémoire de leur père, et le rapport de M. Berryer à l’assemblée constituante sur la question de propriété. M. Bocher, après avoir épuisé en v:iin tous les moyens d’arriver à la publicité légale, s’empressa du moins de recourir à la publicité très restreinte que pouvait permettre la distribution de quelques centaines d’exemplaires de la brochure imprimée à Bruxelles. Au moment où il commençait l’accomplissement de ce devoir, la police le saisit, et le mandataire fidèle et courageux qui voulait rendre la défense moins inégale et mieux faire connaître la vérité fut condamné à un mois de prison après quinze jours de détention préventive; mais, si les tribunaux, esclaves de la loi, se croient obligés de sévir contre de simples contraventions, alors même que les prévenus ont obéi aux sentimens les plus honorables, leur justice ne fera pas défaut au droit de propriété se présentant à sa barre pour plaider une cause qui est celle de tous les citoyens.
L’occasion s’offrit bientôt. Le 12 avril 1852, l’administration des domaines s’était emparée des propriétés de Neuilly et de Monceaux. Les héritiers du roi Louis-Philippe l’assignèrent devant le tribunal civil de la Seine pour faire reconnaître leur droit de propriété sur les biens dont leurs agens venaient d’être expulsés, et pour se faire maintenir en possession. Cette assignation fut immédiatement suivie d’un déclinatoire de M. le préfet de la Seine déclarant que « le tribunal ne pouvait demeurer saisi de la cause sans contrevenir aux dispositions des lois qui défendent aux autorités judiciaires de connaître des actes d’administration et de gouvernement, sans violer le principe de la séparation des pouvons, et concluant par suite à son incompétence. » C’est dans cette situation que l’affaire se présenta le 23 avril à l’audience du tribunal