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ne pouvaient s’appliquer à une monarchie nouvelle, à une constitution nouvelle, à une liste civile nouvelle, devant amener des conséquences nouvelles dans les lois comme dans le régime et dans l’avenir du pays.»


Il ne reste plus rien, après ce résumé, des motifs allégués par les trois premiers considérans en ce qui touche l’application du principe de la dévolution à l’état du domaine privé de la royauté créée en 1830. Toutefois l’auteur du décret du 22 janvier insiste dans les deux considérans suivans, où il expose que « la donation consentie le 7 août, le jour même où la royauté avait été déférée à Louis-Philippe, a eu uniquement pour but d’empêcher la réunion au domaine de l’état des biens considérables possédés par le prince appelé au trône, que le 7 août Louis-Philippe n’était plus une personne privée, et que dès lors il importe peu que l’acceptation de la couronne n’ait eu lieu que le 9 août. » Enfin l’auteur du décret, plus satisfait encore de flétrir que de dépouiller, ne craint pas d’articuler les mots de fraude et de soustraction. Ces considérans trouvent immédiatement une réfutation sans réplique dans le mémoire des jurisconsultes[1].


« En abandonnant à ses enfans, le 7 août 1830, leur patrimoine héréditaire, le prince ne faisait aucune fraude à une « loi qui ne lui était pas applicable. » En l’absence même de toute donation, le principe ancien de la dévolution des biens eût dû rester lettre morte, mais à plus forte raison quand telle avait été la condition sous laquelle le duc d’Orléans avait accepté la couronne en 1830. La donation du 7 août, inutile au point de vue d’un droit qui n’existait plus, ne constatait qu’une chose, la volonté bien arrêtée du prince qui allait dévouer sa vie au salut de la société en acceptant la couronne de maintenir la propriété de son domaine privé dans les mains de sa famille, et c’était assurément une condition qu’il avait le droit de stipuler le 7 août 1830. »


Quant à la confusion calculée des dates, le rédacteur du décret du 22 janvier affirme en vain que par suite de son acceptation Louis-Philippe était roi dès le 7 août, et qu’à cette dernière date il n’était plus une personne privée. Louis-Philippe ne pouvait, aux termes de la résolution du 7 août, devenir roi qu’en acceptant les propositions et dispositions qu’elle contenait. Or il n’a accepté que le 9, la royauté ne date donc que de ce jour-là, en sorte que, la donation étant consommée avant son avènement au trône, les biens compris dans cette donation n’auraient pas été atteints par la dévolution, même sous le régime de la monarchie traditionnelle. Aussi dans le procès-verbal de la séance du 9 août, à laquelle les pairs

  1. Mémoire de MM. Dufaure, Vatimesnil, O. Barrot, Paillet et Berryer.