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suivante, dans laquelle ils ne sentent qu’une douleur, la violation du droit et l’injure à la mémoire de leur père.


« Messieurs,

« Nous avons reçu la protestation que vous avez rédigée contre les décrets de confiscation rendus contre nous, et nous vous remercions bien sincèrement de vos efforts pour résister à l’injustice et à la violence. Nous avons trouvé tout simple que vous vous soyez occupés spécialement de droit sans faire ressortir ce que les considérans de ces décrets ont d’injurieux pour la mémoire du roi notre père. Un moment nous avons songé à sortir de cette réserve que l’exil nous impose et à repousser nous-mêmes les attaques si indignement dirigées contre le meilleur des pères; mais, en y pensant plus mûrement, il nous a paru qu’à de semblables imputations le silence du dédain était la meilleure réponse

« Nous ne nous abaisserons donc pas à relever ce que ces calomnies ont de plus particulièrement odieux à être reproduites par celui qui a pu deux fois apprécier la magnanimité du roi Louis-Philippe, et dont la famille n’a reçu de lui que des bienfaits. Nous laissons à l’opinion publique le soin de faire justice des paroles aussi bien que de l’acte qu’elles accompagnent. Nous sommes heureux de constater que ces honteux décrets et leurs considérans, plus honteux encore, n’ont osé se produire que sous l’état de siège et après la suppression de toutes les garanties protectrices des libertés de la nation. »


Le jour même du décret, trois ministres, MM. de Morny, Magne et Fould, donnèrent leur démission, qui fut acceptée; deux autres, les ministres de la guerre et de la marine, après avoir remis leurs portefeuilles au prince-président, ne les reprirent qu’à la condition de faire insérer dans le Moniteur une note communiquée, d’où il résultait qu’ils ne restaient à leur poste que comme le feraient des militaires sur l’ordre de leur général. Le lendemain, dix membres de la commission consultative, nommée, quelques jours avant par le prince-président, avaient également donné leur démission. Bientôt après vint s’y joindre celle du représentant le plus éminent du droit parmi les magistrats chargés par le gouvernement lui-même de la mission de veiller au maintien et à la dignité de la loi, la démission du procureur-général à la cour de cassation, M. Dupin. Voici en quels termes le chef du parquet de la cour suprême fit connaître à Louis-Napoléon les motifs de sa résolution; on aime à voir dans ce grave document le rachat de bien des faiblesses. Plus cette lettre montre l’homme politique s’effaçant devant le jurisconsulte, plus la condamnation prononcée par le magistrat contre les décrets du 22 janvier 1852 leur imprime une flétrissure indélébile.