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successeurs d’Innocent avaient maintenu l’excommunication contre Cyrille, qui refusait d’insérer aux diptyques le nom du martyr dont son oncle avait été le bourreau. Les choses restaient dans cet état et les liens de concorde étaient brisés lorsque Cyrille, voyant des troubles poindre çà et là autour de lui, regretta son isolement. Il le fit cesser un beau jour en rétablissant sur ses diptyques ce nom de Chrysostome pour lequel il avait montré tant d’horreur, et demandant à rentrer, en vertu de sa soumission, dans la communion de l’église romaine. Célestin, qui occupait déjà le siège de saint Pierre, reçut avec joie le patriarche repentant, et les deux églises se serrèrent de nouveau la main avec cette ardeur de cordialité qui signale le retour des amitiés rompues.

Cyrille d’ailleurs ne doutait point de son succès dans l’affaire de Nestorius ; il savait d’avance que l’église romaine, église de la tradition avant tout, se rangerait de son côté, à lui qui se faisait le docteur de la tradition et avait pris l’offensive contre des nouveautés dangereuses. Il ne s’était point trompé ; on l’accueillit bien, on l’encouragea dans son entreprise, à laquelle le pape voulut prendre part, et, comme preuve de son entière confiance, celui-ci le nomma son vicaire. Cyrille pouvait maintenant disputer d’influence avec Nestorius ; si ce dernier avait pour lui l’empereur d’Orient, Cyrille avait le pape, et au besoin l’empereur d’Occident, qui soutiendrait l’église romaine dans une question où la foi catholique était engagée. Le combat n’était plus, comme au début, entre un théologien et un autre, entre un patriarche d’Alexandrie et un patriarche de Constantinople ; le champ de la lutte s’était élargi avec le nombre et la qualité des lutteurs. Cyrille vicaire du pape et parlant à ce titre avait doublé sa force.

Il n’y avait pas un moment à perdre pour ouvrir la campagne, car l’hérésie se fortifiait à Constantinople, moitié par la compression, moitié par ce goût inné qui entraîne les hommes vers toutes les nouveautés. Cyrille fut chargé de dresser un formulaire de questions sur l’incarnation de Jésus-Christ, sorte d’ultimatum théologique auquel Nestorius serait sommé de souscrire sous peine de déposition. La signification lui en serait faite au nom du pape, premier évêque de la chrétienté, et au nom du patriarche d’Alexandrie, second évêque de l’Orient. Un délai serait fixé pour que l’accusé pût répondre, et en cas de refus sa déposition serait prononcée solennellement, et son excommunication au besoin. Tel fût le plan arrêté entre les deux évêques. Pour mettre à couvert sa responsabilité dans la rédaction du formulaire, Cyrille le soumit à un synode d’évêques égyptiens qui l’approuva. Il n’est pas constant que Célestin l’ait examiné lui-même ou l’ait fait examiner par son synode de prélats italiens ; en tout cas, il avait donné pleins pouvoirs au