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archimandrites et une partie du sénat ne fréquentent plus l’église, craignant de blesser la foi. Si je n’ai point encore rompu la communion avec ce collègue, c’est que je désirais connaître auparavant votre sentiment ; daigne votre sainteté m’en instruire. » Il envoyait en même temps sa lettre aux solitaires et ses autres publications, auxquelles il avait joint des extraits des livres de Nestorius. L’évêque de Rome fut grandement inquiet à la lecture de cette lettre ; il fit traduire en latin les pièces émanées des deux partis, et convoqua un concile d’évêques italiens pour conférer ensemble et arrêter la marche à suivre contre cette nouvelle hérésie. C’est tout ce que souhaitait Cyrille. Il allait susciter le plus redoutable des adversaires à son ennemi, et de plus il rentrait personnellement en grâce près de l’église romaine au moment où il venait de renouer entre cette église et la sienne, l’ancienne alliance, rompue par sa faute et par celle de son prédécesseur Théophile depuis un quart de siècle.

L’alliance des églises d’Alexandrie et de Rome, fondée sur la conformité de doctrine et alimentée par de mutuels bons offices, est un fait de grande importance dans l’histoire ecclésiastiques. Rome, plus occupée du gouvernement des choses que de la discussion des doctrines, acceptait volontiers les solutions dogmatiques qui venaient d’Alexandrie. Elle ouvrait aussi un port de refuge aux vaincus de cette église dans les grandes batailles théologiques dont l’Orient était le théâtre, témoin Athanase, qu’elle recueillit et releva, et le consubstantialisme, qu’elle garantit quand l’arianisme triomphait au-delà de la mer. Alexandrie la vit prendre sa défense avec chaleur quand ses prérogatives furent menacées ; l’église romaine refusa toujours de reconnaître le canon du deuxième concile œcuménique, qui la dépouillait de la primauté orientale en faveur de l’église de Constantinople. Ces services et cette amitié, Alexandrie les payait de retour en facilitant à son alliée l’entrée dans toutes les affaires orientales, et, grâce à ce puissant appui, l’influence du siège de Rome avait grandi tellement en Orient qu’il menaçait d’étendre sa domination sur cette seconde moitié du monde chrétien, comme il l’avait fait pour la première. L’alliance consistait donc, de la part de Rome, à faire du patriarcat d’Alexandrie le premier de l’Orient, à la condition que lui-même s’abaisserait devant la souveraine suprématie de celui qui s’intitulait déjà l’archevêque universel.

La bonne entente des deux églises s’était trouvée compromise, il y avait alors-vingt-quatre ou vingt-cinq ans, par suite du procès de Chrysostome. Indigné de la conduite de Théophile, qui avait été l’agent actif de la persécution et le véritable meurtrier de ce grand-homme, le pape Innocent l’avait retranché de sa communion. Les