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face de difficultés et de questions, toutes de l’ordre le plus positif, et qu’on ne parviendra certainement pas à résoudre par des déclamations ou des divisions de partis, qu’on ne pourra tout au plus qu’aggraver. On aurait beau coiffer la république d’un bonnet phrygien ou mettre dans un programme la dissolution de l’assemblée, les faits resteraient des faits, les chiffres resteraient des chiffres ; cela n’allégerait nullement notre fardeau, pas plus que cela ne ferait disparaître comme par enchantement la crise monétaire que nous traversons. À vrai dire, le jour où la France était réduite à accepter les engagemens qui pèsent désormais sur elle, il était facile de prévoir les perturbations qu’entraînerait ce déplacement brusque et artificiel de numéraire. Cette crise est venue aujourd’hui à la suite des premiers paiemens de l’indemnité ; elle ne s’est pas fait sentir seulement à Paris, elle existe dans la plupart des grandes villes d’industrie, elle se propagera inévitablement jusque dans les campagnes. Partout elle se manifeste par la raréfaction des monnaies divisionnaires, par l’élévation du change, par la difficulté de suffire aux plus simples opérations du commerce et de la vie ordinaire avec des billets de banque, dont la plus petite coupure n’est pas jusqu’ici au-dessous de 20 francs. Sans doute nous ne sommes pas les seuls à qui une épreuve de ce genre ait été infligée à la suite de grandes commotions politiques. Les États-Unis eux-mêmes l’ont connue, et leur fortune n’en a point été ébranlée ; l’Autriche, l’Italie, l’ont traversée, et n’en sont point encore sorties. C’est une médiocre consolation, si l’on veut, mais enfin cela prouve qu’il n’y a point de quoi déconcerter une nation qui a la bonne volonté de tenir tête aux embarras matériels d’une situation alourdie par les circonstances les plus douloureuses, et cette bonne volonté est assurément la première force de la France.

C’est une crise qui commence et avec laquelle il faut bien s’accoutumer à vivre. Les paiemens des premiers termes de l’indemnité allemande en ont déterminé l’explosion naturelle et prévue ; l’essentiel aujourd’hui est de la suivre avec sang-froid dans ses développemens, de la neutraliser autant que possible, de l’atténuer enfin, jusqu’au moment où l’on pourra définitivement la vaincre par l’ensemble des intérêts renaissans ou peut-être par quelque solution politique et financière qui viendra nous aider à en triompher. Cette crise monétaire, on peut la combattre dans ses phénomènes les plus actuels, les plus sensibles et en quelque sorte les plus faligans pour la vie ordinaire, par un système de palliatifs prudemment pratiqués, — soit en élevant l’escompte de la Banque de manière à offrir un attrait aux capitaux étrangers, au risque de gêner un peu le commerce, soit en suppléant à la monnaie divisionnaire, qui diminue, par des coupures de billets descendant à 10 francs et à 5 francs. L’idée de ces coupures a dû venir immédiatement, comme elle est venue pendant la guerre partout où le numéraire disparaissait