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l’annonce de nos revers. On voulait des succès, on les attendait comme s’ils nous étaient dus, et la vérité se faisait jour difficilement à travers les illusions du public. S’agissait-il au contraire d’une rumeur favorable à notre cause, si invraisemblable et si extravagante qu’elle fût, il se trouvait aussitôt des messagers pour la répandre et des milliers de gens pour y croire. Toul a connu cette maladie des villes assiégées, qui espèrent à chaque instant la délivrance, qui voient déjà l’ennemi battre en retraite et entendent le canon d’une armée de secours. Un jour on annonçait aux habitans qu’on voyait poindre à l’horizon les pantalons rouges des régimens français ; un autre jour, que le maréchal de Mac-Mahon venait de remporter une victoire à Joinville, d’opérer sa jonction avec le maréchal Bazaine et de faire prisonnier le prince royal de Prusse. Les nouvellistes ne rajeunissaient guère leurs inventions ; c’était déjà par le même mensonge qu’on avait causé une fausse joie à la population parisienne au commencement de la campagne. La réalité démentait bientôt ces espérances ; à peine Toul avait-il cru à un succès de nos armes qu’on y apprenait, par une communication prussienne, le désastre de Sedan.

Le 7 septembre, les pièces de siège que les Prussiens avaient demandées arrivèrent de Marsal. En entendant derrière le mont Saint-Michel de nombreuses détonations, on crut d’abord dans la place à l’arrivée d’un corps français ; c’étaient nos ennemis qui essayaient le tir et la portée des canons qu’ils nous avaient enlevés. Quand ils eurent terminé ces essais, ils se mirent en batterie à 1,500 mètres des remparts, abrités par des accidens de terrain, dissimulés même par un rideau d’arbres aux yeux de la vigie qui les observait du haut de la cathédrale. De là ils font pleuvoir à dessein, par-dessus les remparts qu’ils évitent de toucher, une grêle d’obus sur les habitations. En neuf heures de bombardement, ils ont brûlé trois maisons, allumé de nombreux incendies, traversé plusieurs bâtimens du toit à la cave, tué deux bourgeois qui travaillaient à éteindre le feu. Ils espéraient encore par la terreur obtenir la capitulation de la ville. Le gouverneur prussien de Nancy avait déjà pris la route de Toul avec l’espoir d’y entrer immédiatement. Cet officier ne se retira que vers le soir, après avoir vainement attendu l’apparition du drapeau parlementaire sur la tour de la cathédrale.

Depuis ce moment, les Prussiens ne comptent plus uniquement sur le succès de quelque surprise ; c’est un siège en règle qu’ils entreprennent, en accumulant une masse énorme d’artillerie. Ils accablent de projectiles une partie des remparts, afin d’éteindre le feu du petit nombre de pièces qui leur répondent. Leurs batteries placées en arrière de la crête des collines, abritées par des épaulemens, cachées à la vue des assiégés, dominent et écrasent