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LA DEMOCRATIE
ET LA REVOLUTION

LES TRANSFORMATIONS DE L'IDEE DE PATRIE.


I

Nous avons exposé dans une précédente étude la dangereuse et bizarre situation dans laquelle la révolution nous a fait verser ; nous avons expliqué comment elle nous forçait à marcher encore, alors qu’elle était allée jusqu’au bout d’elle-même, et qu’elle avait produit toutes ses conséquences jusqu’à la dernière[1]. Or la situation qu’elle a fini par nous créer à l’extérieur, vis-à-vis de l’Europe, est encore plus anormale et périlleuse s’il est possible, car elle nous oblige à la prendre encore pour cocarde et pour drapeau, alors qu’elle ne peut plus rien pour protéger notre indépendance nationale.

Elle ne peut plus rien pour notre défense, parce qu’elle a perdu tout pouvoir de propagande. Qu’ils sont récens et cependant qu’ils sont lointains déjà les jours où la France révolutionnaire se dressait en face de l’Europe absolutiste comme une menace pour les rois et un exemple pour les peuples ! C’était non-seulement par les armes que cette propagande s’exerçait, mais par chacun des mouvemens intérieurs de la France, chutes de cabinets, émeutes ou changement de dynastie. La révolution de juillet eut pour théâtre les rues de Paris, et non tel ou tel champ de bataille de Flandre ou d’Allemagne, et cependant la grande majorité des Français

  1. Voyez la Revue du 15 août 1871.