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noircir dans le présent et à calomnier dans le passé ceux qui leur ont été contraires, il peut y avoir dans ce récit quelque chose d’exagéré, mais de vrai au fond. Quelque respect que mérite la mémoire de Pulchérie, dont la conduite est restée sans tache, son affection pour Paulinus n’en fut pas moins réelle, et la suite nous en fournira des indices plus assurés que les réprimandes de Nestorius.


III

La nouvelle doctrine ne borna pas ses ravages à Constantinople. A mesure que Nestorius prononçait un discours, il le publiait et l’envoyait dans toutes les directions aux évêques, aux clergés, aux magistrats des villes, et partout éclataient les mêmes disputes et souvent des rixes où le sang coulait. Les monastères en reçurent aussi, et là se produisit un phénomène étrange. Ces solitaires, séquestrés du monde et habitués à se régler en tout sur la parole de leurs supérieurs ecclésiastiques, apprenant un beau jour qu’un archevêque de Constantinople refusait à la vierge Marie le titre de mère de Dieu, furent frappés d’une épouvante superstitieuse. Il leur sembla que le ciel se détraquait, qu’il n’y avait plus de rédemption, plus de Christ, plus de salut ; plusieurs allèrent jusqu’à nier Dieu, d’autres devinrent fous. Les abbés de quelques couvens de la Haute-Égypte, effrayés d’un tel état de choses, se rendirent dans Alexandrie pour supplier leur patriarche de leur venir en aide et de redresser par l’autorité de ses instructions l’intelligence des moines, dévoyée de la droite raison. Le patriarche alors régnant (on peut se servir de ce mot à son sujet) était ce même Cyrille dont nous avons parlé dans un précédent récit à propos de la destruction de la colonie juive alexandrine et du meurtre d’Hypatie. Il promit à ces abbés de faire cesser le désordre. La fête de Pâques de l’année 429 était proche, et les évêques d’Alexandrie avaient coutume de publier à cette époque des encycliques pascales et d’autres instructions religieuses à l’usage de leur diocèse. Il promit de s’occuper en cette circonstance de l’état de ses monastères et des livres hérétiques qu’on y répandait ; c’était d’ailleurs une occasion précieuse que ses moines lui offraient d’entrer dans un débat dont il suivait avec curiosité les péripéties, et d’y entrer comme forcé par ses devoirs d’évêque, afin de prémunir son troupeau contre la contagion du dehors. Ce fut aussi une grande joie pour Cyrille de trouver une excuse à son esprit batailleur, à son besoin de se mettre en scène, à son désir enfin d’assouvir les rancunes accumulées de son église.

Il existait premièrement entre les églises d’Alexandrie et d’Antioche une rivalité qui remontait presque au berceau du